En 2004, il a cofondé Facebook. En 2008, il s'est engagé dans la campagne de Barack Obama en 2008. Après avoir racheté puis revendu le magazine américain The New Republic, Chris Hughes s'implique désormais dans la défense du revenu de base. À 33 ans, celui qui a quitté Facebook il y a cinq ans, a déjà eu une vie bien remplie. De passage à Paris, Chris Hughes a accordé une interview à Europe 1. Il revient notamment sur l'évolution de Facebook, le développement des "fake news" et l'élection de Donald Trump.
Vous avec cofondé Facebook en 2004 avec Mark Zuckerberg. Aujourd'hui plus de 1,8 milliard de personnes l'utilisent. Aviez-vous imaginé un tel succès ?
Bien sûr non. On ne pouvait pas imaginer ce que ça allait devenir. Mais quand vous regardez ce qu'est Facebook aujourd'hui, c'est totalement différent de ce nous avions créé en 2004. À l'époque, c'était un réseau social où vous mettiez votre photo et vos informations. Désormais c'est un réseau qui connecte les gens à leurs amis et leur famille. C'est la plus grande communauté dans le monde avec presque deux milliards d'utilisateurs. Personne n'aurait pu imaginer un tel succès. Mark Zuckerberg vous dirait la même chose.
Justement, Mark Zuckerberg a publié vendredi un long billet dans lequel il définit les nouvelles missions de Facebook, comme par exemple aider à vaincre le terrorisme et de lutter contre le réchauffement climatique. Qu'en pensez-vous ?
Je crois qu'il s'agit plutôt de créer une grande communauté qui puisse se battre contre cela. C'est une grande vision, pas un plan stratégique. C'est intéressant car le rôle de Facebook n'est pas de résoudre tous les problèmes du monde, mais de rapprocher les gens. Quand vous concevez un réseau, vous devez penser à ce qu'il peut apporter et c'est ce que fait Mark Zuckerberg.
Facebook a été critiqué lors de la dernière présidentielle américaine. Le réseau social a été accusé d'avoir favorisé l'élection de Donald Trump en laissant prospérer les "fake news". Comprenez-vous ces accusations ?
La promesse des réseaux sociaux est de permettre à chacun d'exprimer son opinion facilement. Mais il est difficile pour nous, en tant qu'individu, de faire la différence entre l'opinion et les faits. Facebook est un système qui n'a jamais été conçu pour vous dire quoi penser. Il a été conçu pour vous aider à partager vos idées avec vos amis, vos collègues ou vos proches. Aujourd'hui, je pense que nous sommes dans une période de transition où Facebook doit avoir un rôle qui ne soit pas simplement de différencier les informations totalement fausses de ce qui est vrai, mais aussi de d'éviter que le réseau soit utilisé par des terroristes ou à de mauvaises fins... Ce n'est pas un problème qui peut être résolu le mois prochain. C'est un problème humain, et par définition, les problèmes humains sont très complexes à résoudre. C'est un défi.
Mais le développement des "fake news" ne représente-t-il pas un risque pour la démocratie ?
Il faut être bien clair sur ce que sont les "fake news". Notre président (Donald Trump, ndlr), a tendance à qualifier tout ce qu'il n'aime pas de "fake news" alors que la plupart des informations qui concernent Donald Trump et les politiques sont essentielles pour la démocratie. C'est l'inverse d'une menace, c'est ce sur quoi la démocratie est basée. En revanche, les informations qui sont réellement fausses, et dont les gens pensent qu'elles sont vraies, sont un réel problème. Les systèmes comme Facebook doivent trouver des solutions. Mais nous avons aussi une responsabilité. Nous devons penser aux sources des informations, s'assurer qu'une information est vraie et faire attention à ce que nous partageons. Ce n'est pas simple, cela demande de la réflexion et de prendre l'habitude de contextualiser l'information que l'on partage.
Vous avez participé à la campagne de Barack Obama en 2008. Huit ans plus tard, l'Amérique a élu Donald Trump, c'est un échec ?
C'est une période difficile pour les États-Unis. Nous avons un président qui a montré qu'il n'a que peu d'intérêt pour la vérité, peu de respect pour la loi et une volonté de dire ce qu'il veut pour séduire. Ce sont des attributs que nous avons déjà connus dans l'histoire et qui sont terrifiants. Je pense que notre génération aux États-Unis était déjà au fait de cela avant l'élection, mais maintenant nous sommes mobilisés. Il y a des raisons d'espérer. Il y a une nouvelle énergie aux États-Unis, des gens qui s'intéressent vraiment au pays et qui se réveillent, qui se rendent comptent que Donald Trump est une menace.
À 33 ans, votre vie a déjà été bien remplie, avez-vous encore des rêves ?
Je crois vraiment dans la mise en place du revenu de base. C'est une bataille qui va durer dix, voire vingt ans. Je n'ai pas envie de fonder une nouvelle start-up. Je l'ai déjà fait, j'ai bien aimé, j'ai beaucoup appris, mais en ce moment, je crois qu'il y a une vraie urgence et pas simplement parce que Donald Trump est à la Maison-Blanche. Il y a une urgence parce que le travail s'est effondré, sa nature a complètement changé. Je veux m'investir dans ce que l'on peut faire pour avoir un monde un peu plus juste.