Après quinze jours de polémique, Google s'est finalement décidé à réagir. Sundar Pichai, son PDG, a réuni ses salariés jeudi après-midi à Mountain View, au siège californien de l'entreprise, pour s'expliquer sur le projet "Dragonfly". Derrière cette "libellule" - la traduction de Dragonfly -, le projet de Google de lancer une version censurée de son moteur de recherche en Chine, révélé par le site américain The Intercept début août. Il suscite l'incompréhension de nombreux employés. "En 2010, Sergey Brin (le cofondateur de Google) avait expliqué que la censure et la surveillance des dissidents constituaient des marqueurs du totalitarisme", s'inquiétaient plus de 1.000 d'entre eux dans une lettre interne obtenue par le New York Times.
Une piste exploratoire
Jeudi, le patron de Google a donc tenté d'éteindre l'incendie. "Si nous voulons remplir notre mission sérieusement, nous devons réfléchir à comment faire plus en Chine", a expliqué Sundar Pichai alors que le moteur de recherche, mais aussi les autres services de Google (Gmail, Maps, YouTube...), sont inaccessibles en Chine depuis 2010. "Ceci dit, nous ne sommes pas prêts à lancer un service de recherche en Chine", a-t-il assuré devant les employés, alors que Sergey Brin avait assuré juste avant n'avoir découvert le projet que par les articles de presse. Il ne s'agirait que d'une "piste exploratoire".
D'après des sources internes citées par The Intercept, les termes concernant les droits de l'homme, la démocratie, la religion et les manifestations intégreraient une liste noire sur cette version du moteur. L'application identifierait et filtrerait également les sites internet bannis par les autorités communistes. Un choix que Google s'était jusqu'à présent toujours refusé à faire alors que la censure chinoise est un sujet particulièrement sensible dans l'entreprise. En 2010, le moteur de recherche avait mis fin à ses opérations dans le pays pour protester contre la censure de certains résultats de recherche. Les recherches portant sur la révolte de la place Tiananmen étaient notamment filtrées.
Des employés très vigilants
Suite à ces révélations, les employés de Google avaient demandé à en savoir plus, au nom de leur droit à contrôler l'éthique de leur travail au sein de l'entreprise. Ces derniers sont particulièrement vigilants sur les projets menés par l'entreprise et avaient déjà dénoncé, au printemps, une collaboration entre la firme et le Pentagone américain. Via le projet "Maven", l'armée américaine utilisait l'intelligence artificielle de Google pour aider ses drones à distinguer les humains des objets. Déjà à l'époque, une pétition interne demandant de rester en dehors du "commerce de la guerre" avait été signée par plus de 4.000 employés, tandis qu'une douzaine avaient démissionné en guise de protestation. Face à la polémique, Google avait renoncé au projet début juin.