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Seulement un contributeur du Wikipédia français sur cinq est une femme, selon Rémi Mathis. L'auteur du livre "Wikipédia, au coeur de la plus grande encyclopédie du monde", invité de "Culture Médias", jeudi, évoque un "plafond de verre" pour expliquer cette sous-représentation problématique.
ANALYSE

On savait depuis longtemps que les femmes étaient sous-représentées dans les articles de Wikipédia, qui vient de fêter ses 20 ans : seules 18% des pages francophones portent sur des femmes, chiffre en augmentation grâce au militantisme des membres du projet "les sans pagEs". Mais derrière la plus grande encyclopédie du monde, le fossé du genre est aussi béant. D'après Rémi Mathis, auteur du livre Wikipédia, au coeur de la plus grande encyclopédie du monde, cette sous-représentation trouve sa source dans un plafond de verre, comme il l'explique sur Europe 1, jeudi matin.

Ambiance "blagues sexistes" ?

"Il n'y a en effet que 20% de femmes" chez les contributeurs du Wikipédia francophone, assure Rémi Mathis, historien, "wikipédien" depuis plus de quinze ans et ancien président de Wikimédia France, la structure qui gère le projet Wikipédia. "On est dans des rapports humains où c'est certainement un plafond de verre" qui empêche les femmes de représenter une part plus importante de ces contributeurs.

" C'est un vrai problème sur les questions de diversité dans les approches sur les différents sujets "

Où ce plafond de verre à l'intersection du savoir et de la technologie trouve-t-il sa source ? "Ce sont vraiment des questions sociologiques et des questions de composition de la communauté, d'ambiance", égrène Rémi Mathis au micro de Philippe Vandel dans Culture Médias.

"Quand on est à 80% d'hommes plutôt jeunes, c'est possible qu'il y ait une ambiance un peu trop 'blagues sexistes', sans que les gens s'en rendent vraiment compte", poursuit le contributeur. "C'est quelque chose qui ne plaira pas spécialement aux femmes et qui font qu'elles resteront moins que les hommes." Pour le spécialiste de la plateforme, l'un des sites les plus consultés au monde, cela constitue "un vrai problème sur les questions de diversité dans les approches, sur les différents sujets".

Des ressorts sociologiques

Deux universitaires, Julia Bear (École de commerce de Stony Brook, près de New York) et Benjamin Collier (Université Carnegie Mellon, au Qatar), s'étaient déjà penchés sur ce problème dans une étude publiée en 2016, élaborée à partir d'un sondage mené en 2008. Leurs conclusions : les femmes se sentent moins confiantes vis-à-vis de leur expertise et moins à l'aise avec la modification du travail des autres contributeurs, et réagissent également de manière plus négative à la critique.

Ce sujet de la sous-représentation des femmes dans l'élaboration de ce genre de plateformes n'est donc pas nouveau. Il n'est pas non plus inconnu des autorités : en 2016, le média universitaire Harvard Business Review rappelait que Jimmy Wales, le cofondateur de Wikipédia, avait reconnu l'échec de l'encyclopédie à atteindre 25% de femmes chez les contributeurs en 2015.