"Une nouvelle ère pour la messagerie". Sur son site internet, Telegram se présente comme un simple service de messagerie et pourtant, depuis plusieurs mois, l'application est régulièrement citée par la justice ou dans la presse. En cause, son utilisation par les réseaux djihadistes. Les assaillants de Saint-Etienne-du-Rouvray s'en étaient par exemple servis pour préparer leur attentat. Lundi, une jeune fille de 16 ans a été arrêtée et inculpée après avoir "exprimé son intention de passer à l'acte" sur l'application. Europe 1 vous explique les raisons qui poussent les djihadistes (mais pas seulement) à l'utiliser.
Origines russes. Si l’histoire commence en 2013 avec le lancement de l’application, il faut cependant attendre février 2014 - et le rachat de Whats'App par Facebook -, pour que l'application commence à faire parler d'elle en France. A l'époque, Telegram vantait déjà ce qui la rend aujourd’hui si populaire : sa sécurité. Derrière cette application, on retrouve notamment Pavel Durov, un informaticien russe qui explique avoir co-créé l'application pour échapper à la surveillance du gouvernement de son pays. Mais, Telegram l'assure, l'application n'a aucun lien avec le gouvernement russe. "Telegram n'est pas lié à la Russie, légalement ou physiquement. Le siège de Telegram est à Berlin", peut-on ainsi lire sur le site de l'entreprise.
Un fonctionnement enfantin... Son fonctionnement est simplissime. Comme toutes les applications de messagerie instantanée du marché (Facebook Messenger, Whats'App, Line...), elle permet d'échanger avec ses contacts sans utiliser le réseau téléphonique, mais en passant par Internet. L'application est d'autant plus simple à utiliser qu'elle est accessible sur tous les supports, ou presque. Il est par exemple possible de débuter une conversation sur le web avec son ordinateur et de la poursuivre via l'application sur son smartphone. Un premier avantage qui la rend particulièrement simple à utiliser au quotidien.
... le chiffrage en plus. Mais son principal atout pour les djihadistes est son chiffrage. Certaines conversations sur Telegram sont en effet chiffrées de bout en bout. En d'autres termes, le message n'est à aucun moment déchiffrable par quiconque n'ayant pas le portable de l’émetteur ou du destinataire du message. Un fait qui rend quasiment impossible l'interception des messages par les services de renseignements. De quoi permettre à l'application d’affirmer être "plus sûre que les autres applications de messagerie grand public".
Cependant, comme le montre l'arrestation d'une adolescente ayant "exprimé son intention de passer à l'acte" sur Telegram, toutes les conversations ne sont pas inaccessibles. Le chiffrage de bout en bout n'existe en effet que pour les conversations personnelles, les "secret chats", comme les appellent l'application. Les messages envoyés via des conversations traditionnelles ou des groupes, eux, sont également chiffrés, mais transitent par les serveurs de l'entreprise.
Différents types de conversations. En plus du simple échange de messages à deux, les différents types de conversations proposés par Telegram - et les possibilités de partage de fichiers - sont autant d'atouts pour les groupes djihadistes. Le premier type de message est donc le "secret chat". Chiffré de bout en bout, il propose également la programmation de la destruction des messages après une certaine durée. Le message est alors définitivement supprimé du téléphone du destinataire et de l’émetteur. Ce type de conversation se destine principalement aux discussions à deux.
Pour communiquer à plus large échelle, Telegram propose trois autres solutions : les "groupes", les "supergroups" et les "chaînes". Les "groupes" permettent de partager des messages avec 200 personnes maximum. Les "supergroups" sont, eux, destinés aux échanges privés, mais à grande échelle avec jusqu'à 5.000 membres. Ces deux premières solutions permettent de filtrer les destinataires des messages. La troisième solution, les chaînes, publiques, peuvent accueillir un nombre illimité d'utilisateurs.
Que fait Telegram face aux contenus djihadistes ? Si Telegram est très apprécié des djihadistes, c'est aussi en raison de sa politique de contenus assez souple. "Tous les chats et les groupes de Telegram sont privés et réservés à leurs participants. Nous ne traitons aucune demande en lien avec ces conversations", indique Telegram sur son site internet. Autrement dit, tous les propos, quels qu'ils soient, tenus dans des conversations privées ou des groupes sur l'application ne seront pas modérés, alors même que certains groupes peuvent accueillir jusqu'à 5.000 personnes.
L'entreprise permet tout de même aux utilisateurs de signaler des contenus illicites présents dans les chaînes via une adresse mail. Difficile cependant d'en savoir plus sur le système de modération et ses limites. Au mois de novembre 2015, Telegram avait tout de même fermé 78 chaînes liées à l'organisation Etat islamique. Le compte de l'agence de presse du groupe, Amaq, qui avait revendiqué les attentats de Paris, avait notamment été fermé.
Plus de 100 millions d'utilisateurs. Malgré cela, les utilisateurs de Telegram sont loin d'être uniquement des djihadistes. L'application est également très utilisée par les politiques pour échanger des informations, et par le grand public. En février 2016, Telegram annonçait en effet compter 100 millions d'utilisateurs actifs chaque mois et enregistrer 350.000 nouvelles inscriptions tous les jours.