José Bové est un homme politique singulier. Et pas forcément pour sa moustache et ses fauchages de maïs. Mercredi dernier, la tête de liste Europe-écologie-Les Verts aux européennes, dans le Sud-ouest, a surpris jusque dans son propre camp… en se prononçant contre la Procréation médicale assistée, dite PMA.
La phrase choc. "Que ce soit pour les couples homosexuels ou hétérosexuels, que ce soit sur le végétal, l’animal et a fortiori sur l’humain, je suis contre toute manipulation sur le vivant", a-t-il défendu mercredi, interrogé sur la PMA lors de l'émission "Face aux chrétiens", animée par KTO, La Croix, RND et RCF. "Je pense que le droit à la vie et le droit à l'enfant ne sont pas la même chose. Je ne crois pas que le droit à l'enfant soit un droit. Je vais me faire plein d'ennemi", y poursuivait-il. Prononcée la veille du premier pont de mai, la phrase n'a d'abord pas fait trop de bruit. Mais la polémique n'a pas tardé à enfler.
Le tollé. "Notre vétéran altermondialiste, adversaire résolu et courageux des OGM, déclare, contre toute attente qu'il est opposé à toute manipulation sur le vivant, et donc opposé à la PMA. […] José Bové est-il imbu du mythe du 'bon sauvage', a-t-il trop lu Rousseau ou Paul et Virginie ?", se demande lundi la sénatrice EELV Esther Benbassa, dans une tribune au Huffington Post. "Un nouvel adhérent de la Manif pour tous", ironisait-elle également vendredi, dans un tweet repris par Jean-Vincent Placé, patron des sénateurs écolos. Mais José Bové est-il si isolé que ça ?
#JoséBové confond #PMA et #OGM et s'oppose à toute PMA (y compris légale): un nouvel adhérent de #LaManifPourTous? http://t.co/Zj0o3a2FjZ— Esther Benbassa (@EstherBenbassa) 2 Mai 2014
La pensée politique ne se réduit pas à 140 signes! /jb— José Bové (@josebove) 5 Mai 2014
EELV pour la PMA… Sur la question de la PMA, EELV parle souvent à l'unisson pour défendre sa légalisation pour les couples homosexuels."Les couples de femmes souhaitant avoir recours à la PMA ne devraient pas être victimes des calculs politiciens ", dénonçait ainsi Emmanuelle Cosse, la patronne du parti, après le report du vote du projet de loi Famille, en février dernier. De Cécile Duflot à Jean-Vincent Placé en passant par Pascal Canfin, toutes les figures écologistes se prononcent pour cette mesure.
… Du moins en surface ? Lorsqu'on lui évoque les déclarations de José Bové, Daniel Boy, politologue spécialiste de l'écologie politique, les trouvent ainsi "surprenantes". "C'est un point de vue forcément minoritaire chez EELV", assure l'expert. Pourtant, "la réticence à la PMA peut se comprendre dans la logique écologiste", poursuit-il.
"C'est impossible à quantifier, il n'y a pas d'étude. Mais on peut trouver chez EELV des radicaux du 'laisser faire la nature', en toute chose. Ils sont minoritaires, mais il y en a. Il y a également quelques catholiques, qui peuvent se prononcer contre la PMA pour des raisons éthiques, morales. Il peut y avoir, enfin, des militants qui pensent qu'il y a déjà trop d'enfants sur la Terre. Et qu'il n'y a aucune nécessité à en rajouter", décrypte le spécialiste. Et de conclure : "ce sont des idéologies discrètes, souterraines, qui ne rentrent pas dans la logique dominante du parti et ne se font pas entendre".
Malaise sur la biomédecine ? En dehors de la PMA, les écologistes n'ont pas d'avis très tranché sur les questions de bioéthique, lorsque cela concerne l'être humain. Aucune mention sur le sujet n'est faite dans le vaste programme présidentiel de 2012 du parti, ni dans celui pour les Européennes. "Lorsqu'il s'agit de parler des biotechnologies dans l'agriculture, les écologistes s'expriment de partout. Mais sur les questions de biomédecine, comme sur la brevetabilité du vivant où les cellules souches par exemple, c'est plus difficile de savoir ce qu'ils pensent", estime ainsi Daniel Boy.
Lors du vote de la loi autorisant la recherche sur l'embryon et les cellules souches, définitivement adoptée en octobre dernier, cinq sénateurs écologistes s'étaient d'ailleurs abstenus. "La recherche génétique est primordiale mais il est nécessaire d’y permettre des pare-feux pour éviter tout risque d’eugénisme", s'expliquait ainsi le sénateur André Gattolin, partisan de "solution alternative ne nécessitant pas une manipulation d’embryons". "Sur ces sujets, les réticences sont plutôt à droite. Mais il peut y en avoir chez les écologistes, pour des questions de religions ou de respect de la nature. C'est toutefois un sujet dont les clivages dépassent les partis. Il peut très bien y avoir des divisions à droite aussi", décrypte Daniel Boy.
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