À l'heure des lois restrictives sur l'IVG aux États-Unis, une pièce bouleversante à Paris ressuscite le procès de Bobigny (1972), qui a ouvert la voie trois ans plus tard à la légalisation de l'avortement en France.
"Les combats du passé ne sont jamais gagnés pour toujours"
Hors la loi, mise en scène par Pauline Bureau à la Comédie-Française (Vieux-Colombier, jusqu'au 7 juillet), est un rappel saisissant de l'affaire Marie-Claire Chevalier, l'adolescente violée par son ami et qui s'est fait avorter clandestinement avec l'aide de sa mère, avant d'être défendue par Gisèle Halimi dans l'un des plus retentissants procès des années 70.
"En voyant ce qui se passe aux États-Unis en même temps qu'on joue cette pièce, on est un peu catastrophé. On se dit 'cela arrive encore'", affirme à l'AFP Pauline Bureau. Deux écrans à l'entrée de la salle proposent d'ailleurs avant le spectacle des images d'actualité notamment en Alabama, État qui a interdit tous les avortements, même en cas de viol ou d'inceste.
"On est très heureux de défendre ce spectacle aujourd'hui car la jeune génération peut constater que les combats du passé ne sont jamais gagnés pour toujours, il faut une grande vigilance", a indiqué de son côté l'actrice Coraly Zahonero, qui joue la mère de l'adolescente, Michèle Chevalier. Elle s'exprimait lors d'un débat entre un public très ému et les acteurs et actrices à l'issue d'une représentation mardi.
Le "Manifeste des 343" projeté sur scène
Danièle Lebrun, qui incarne entre autres Simone de Beauvoir, a affirmé que le combat continuait même en France, où des "objecteurs de conscience ne veulent pas faire d'avortement". "Ils sont 'hors la loi' eux aussi mais leur but c'est de changer la loi Veil", a-t-elle ajouté. En septembre, le président du Syndicat national des gynécologues (Syngof), Bertrand de Rochambeau, a été vivement critiqué par des militants féministes et laïques après avoir justifié son refus de pratiquer l'IVG, qu'il considère comme un "homicide".
Danièle Lebrun, 82 ans, a été l'une des signataires en 1971 du célèbre "Manifeste des 343". Des extraits du manifeste - "Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté" et les noms des signataires comme Catherine Deneuve, Nadine Trintignant ou Agnès Varda - ont été projetés sur scène durant la pièce.
Un travail d'enquête quasi journalistique
Hors la loi, qui mélange l'intime et l'historique, retrace les événements, du viol de Marie-Claire Chevalier (Claire de La Rüe du Can) à la célèbre plaidoirie de Gisèle Halimi (Françoise Gillard). Pauline Bureau, dont la pièce Mon coeur sur le scandale du Mediator avait été un succès en 2017, a fait le même travail d'enquête quasi journalistique pour retrouver la vraie Marie-Claire Chevalier qui l'a frappée par "sa fragilité, sa jeunesse, sa lumière". "J'ai lu qu'elle est allée vivre dans la région d'origine de sa mère. J'ai appelé tous les Chevalier de cette région et au bout de la 36ème personne, c'est sa maman qui a répondu", indique la metteure en scène.