Les demi-finales de la Coupe du monde n'ont pas encore eu lieu, mais on en connaît déjà le vainqueur. Il s'agit de l'Europe, de l'UEFA, la puissante Union des associations européennes de football, dont l'un des représentants est assuré de soulever le trophée, dimanche prochain, à Moscou : ce sera soit la France, la Belgique, la Croatie ou l'Angleterre. Une question se pose donc : pourquoi l'Europe domine-t-elle autant le football mondial ?
Une question de probabilité. Ce dernier carré 100% européen est à relativiser. En effet, et c'est là une simple question de probabilité, il y avait plus de chances qu'il y ait un dernier carré 100% européen qu'un dernier carré 100% sud-américain ou 100% africain. Les pays européens étaient en effet quatorze sur la ligne de départ le 14 juin dernier (treize + le pays hôte), contre cinq seulement pour l'Amérique du Sud, cinq pour la zone Afrique, cinq pour la zone Asie, trois pour la zone Concacaf (Amérique du Nord, Centrale et Caraïbes) et zéro pour la zone Océanie. De même, alors qu'on a beaucoup parlé de l'omniprésence européenne en quarts de finale (six représentants), la proportion était presque logique vis-à-vis de l'Amérique du Sud vu les forces en présences (6 sur 14 pour l'Europe, soit 43%, 2 sur 5 pour l'Amsud, soit 40%).
Quant à la répartition originelle du nombre d'équipes par confédération, il est le résultat d'un savant dosage politico-sportif, revu régulièrement, notamment au gré des évolutions du nombre de pays participants à la Coupe du monde. Si la répartition sera la même au Qatar, dans quatre ans, il va changer en 2026 puisque pas moins de 48 équipes participeront au Mondial. Et là, l'Europe n'a pas été privilégiée, loin de là, car elle ne va gagner que trois places (de 13 à 16) quand l'Afrique, par exemple, va en gagner quatre (de 5 à 9).
Une question de malédiction. La Coupe du monde se nourrit de mythes et de légendes. Et il y en a une, vivace, qui veut que les pays sud-américains n'arrivent pas à gagner la compétition quand celle-ci se déroule en Europe. France 1934, Italie 1938, Suisse 1954, Angleterre 1966, Allemagne 1974, Espagne 1982, Italie 1990, France 1998, Allemagne 2006… Que des défaites pour l'Amérique du Sud. La seule exception remonte à 1958, quand la Seleçao de Pelé s'était imposé en Suède. Et c'est la cinquième fois de l'histoire, aussi, que le dernier carré se fait sans nation de la Conmebol, la confédération sud-américaine, après 1934, 1966, 1982 et 2006.
Mais les malédictions n'existent peut-être que pour ceux qui y croient. En 2010, l'Espagne s'était imposée en Afrique du Sud, sur un terrain "neutre" (ni européen, ni sud-américain), terrain qui qui réussissait traditionnellement au Brésil, champion aux États-Unis en 1994 puis au Japon et en Corée du Sud en 2002. Puis, en 2014, l'Allemagne avait soulevé le trophée au Brésil, en Amérique du Sud, là où aucune nation européenne n'avait réussi à s'imposer. De fait, alors que les deux continents stars du foot mondial étaient à égalité après le Mondial 2006, l'Europe a repris les devants avec désormais onze succès contre neuf. Et bientôt douze, donc.
Une question de moyens. Après l'élimination de l'Uruguay par la France, qui allait être suivie quelques heures plus tard par celle du Brésil par la Belgique, le sélectionneur de l'Uruguay, Oscar Tabarez, s'était irrité contre tous ceux qui mettaient en avant la domination de l'Europe.
"Parler de suprématie du football européen, c'est méconnaître la réalité historique, économique et des infrastructures du football. La Bolivie n'a pas les infrastructures de l'Allemagne et nous n'avons pas les infrastructures de l'Angleterre", avait-il insisté en conférence de presse. L'argent, nerf de la guerre, fait aussi beaucoup dans le foot et il est évident que les puissantes fédérations européennes ont des moyens autrement plus importants que leurs homologues sud-américains, en termes de formation et d'encadrement.
Mais le discours d'Oscar Tabarez ne dit pas que les joueurs des grands pays sud-américains évoluent pour la plupart dans les clubs européens les plus huppés et bénéficient donc tout au long de l'année du même suivi que leurs adversaires européens. Il ne dit pas non plus que la fédération brésilienne, par exemple, dispose d'une surface financière bien plus forte que celle de la fédération croate, par exemple.
À propos de la Croatie, d'ailleurs, son sélectionneur, Zlatko Dalic, a eu cette réflexion : "L'Angleterre possède une des meilleures ligues en Europe. Si nous avions l'argent de l'Angleterre, qui sait ce que nous aurions dans nos mains (en termes de trophées, ndlr)". Au sein même de l'Europe, les inégalités existent…