Jeudi, à la Une de La Gazzetta dello Sport, le quotidien sportif italien de référence, le ballon rond est à la fête. "Balotelli doit jouer en Italie", titre le journal, en référence à l'avenir de "Super Mario", arrivé en fin de contrat à Nice. Les autres sujets traités concernent le mercato d'Higuain ou Depay, de cyclisme et de l'affaire Froome, de Roland-Garros et de golf. En revanche, pas la moindre trace de la Coupe du monde. Et ce n'est pas l'apanage de la presse écrite. Zappez sur la chaîne d'info sportive Sky Sports News et vous ne trouverez pas plus de trace du Mondial russe.
Cette couverture quasi inexistante montre le malaise autour d'une compétition privée pour la première fois depuis 60 ans de la Nazionale. Les seuls Italiens qui seront sur le terrain en Russie seront les deux arbitres, Gianluca Rocchi et Elenito Di Liberatore, retenus par la Fifa.
"C'est comme si on avait honte". L'Italie, empêtrée dans la crise politique, n'a pas la tête au ballon rond. A Rome, là où il y a quatre ans, les drapeaux étaient partout dans les rues, les produits dérivés dans toutes les vitrines, il n'y a rien. "Il n'y a pas de ferveur. On dirait un mois de juin normal alors que d'habitude c'est la folie. C'est comme si on avait honte", témoigne auprès d'Europe 1 Rodolfo, supporter romain.
Le correspondant d'Europe 1 à Rome, Olivier Cougard, confie même que cette ambiance donne l'impression qu’il n’y a pas de Coupe du monde à jouer. Certains Italiens disent même qu'ils ne vont pas regarder le mondial sans les Azzurri. Pour eux, direction... la spiaggia (la plage) ! L'Italie va même peut-être voter au cœur de l'été, un 29 juillet, deux semaines après la fin de la Coupe du monde. "Ça ne serait jamais arrivé si l'Italie avait été au Mondial", assure-t-il.
Une défaite difficile à digérer. L'Italie a vécu un séisme le 13 novembre 2017. Alors que la Squadra Azzurra doit absolument gagner contre la Suède pour se qualifier pour la Russie, l'attaque italienne atone et une défense suédoise en bloc privent les spectateurs de but. Fort de leur victoire du match aller (1-0), les Suédois coiffent nos voisins transalpins au poteau. Un comble pour les rois du Catenaccio. Pour un pays de foot comme l’Italie, c’est le choc. L'heure est au règlement de compte. La cible : le sélectionneur, Giampiero Ventura, accusé de ne pas avoir mis sur le terrain les meilleurs joueurs : Balotelli, Verratti, Insigne, De Rossi, El Shaarawy.
Six mois plus tard, les plaies ne sont pas refermées. L’Italie a mis du temps à se choisir un sélectionneur et un nouveau président pour le Calcio. Le premier match de la nuova Nazionale, menée par Roberto Mancini, n’a pas fait la Une des journaux. Seul Balotelli, le chouchou du pays, enflamme la presse, tant par ses prestations en sélection que son feuilleton transfert, qui l'envoie tantôt à Marseille, tantôt à Naples.
Un mondial suivi ? Le dernier match amical de l’Italie, contre l’Arabie saoudite, a réuni 6 millions de téléspectateurs sur la Rai. Légèrement moins que la moyenne des matches des Azzurri, qui font habituellement entre 8 et 9 millions de téléspectateurs. La Coupe du monde sera diffusée en clair et en intégralité sur les antennes de Mediaset, le groupe audiovisuel de Silvio Berlusconi. De quoi assurer au Mondial de bonnes audiences mais peut-être pas autant qu’il y a quatre ans, où un Brésil-Croatie pouvait rassembler jusqu’à 11 millions de téléspectateurs.
Pour Rodolfo, pas de doute, "les Italiens vont regarder le Mondial, mais juste pour la beauté du jeu et avec de la déception". Cette situation, impensable pour les Italiens, se terminera le 15 juillet au soir. Avec le devoir de reprendre vite le travail. Dès début septembre, l’équipe d’Italie devra batailler pour la Ligue des Nations puis pour sa qualification à l’Euro 2020. Une nouvelle équipe d’Italie, à reconstruire sur les ruines d’un Mondial à oublier.