Vingt ans après, la France se prend à rêver : et si nos Bleus, qui affrontent la Belgique en demi-finale, accrochaient une deuxième étoile à leur maillot et succédaient à la génération dorée de 1998 ? Mais la France n’est pas le seul pays à espérer rejouer la même partition. La Croatie, troisième de la Coupe du monde il y a vingt ans, se prend à imaginer un scénario encore plus fou en Russie. Opposés à l'Angleterre en demie (mercredi à 20h), les hommes au maillot à damier rouge et blanc sont des outsiders sans pression, portés par quelques joueurs de classe internationale.
Épopée fantastique. Pour les plus jeunes, ou ceux qui auraient oublié, la Croatie avait été la surprise de la Coupe du monde 1998. Pendant que tous les Français avaient les yeux rivés sur les Bleus, la Croatie était sortie deuxième de sa poule, puis avait éliminé la Roumanie et l’Allemagne championne d’Europe en titre pour se hisser jusqu’en demi-finale. Les coéquipiers de Davor Šuker, meilleur buteur de la compétition, avaient posé de gros problèmes à la France, ouvrant même le score avant de céder sur un doublé miraculeux de Lilian Thuram. Pas démobilisée, la Croatie a finalement chipé la médaille de bronze aux Pays-Bas de Bergkamp, Kluivert, Seedorf, de Boer et van der Sar.
Il n’est évidemment pas question de comparer la Croatie de 1998 et celle de 2018 : autre époque, autres joueurs. Mais on peut tout de même établir un parallèle dans la composition des deux équipes, toutes deux articulées autour de cadres solides (Zvonimir Boban, Davor Šuker et Slaven Bilić en 1998 ; Ivan Rakitić, Luka Modrić et Mario Mandžukić en 2018) et boostées par des jeunes talentueux (Dario Šimić et Goran Vlaović en 1998 ; Mateo Kovačić (Real Madrid) et Marko Pjaca (Schalke 04) en 2018).
Modrić et ses lieutenants. Dans cette Coupe du monde, la Croatie peut compter sur Luka Modrić. Véritable star de cette équipe, le milieu du Real Madrid, a assumé ses responsabilités à chaque match. Sans arrêt porté vers l’avant, distillant les passes dans les petits et les grands espaces avec une précision diabolique, le chef d’orchestre des Vatreni ("les Ardents") a inscrit deux buts et délivré une passe décisive. Un peu moins bien physiquement, à l'image de ses coéquipiers, en huitièmes et en quarts, il symbolise l'obstination de l'équipe croate, souvent au bord de la rupture mais jamais battue (pour l'instant).
Mais c’est bien connu, un homme seul ne suffit pas à gagner une Coupe du monde. Même Maradona, Pelé et Zidane étaient entourés de lieutenants talentueux et de coéquipiers solidaires. Luka Modrić est très bien accompagné en Russie puisqu'il peut toujours compter sur Ivan Rakitić (FC Barcelone) et Ivan Perišić (Inter Milan), les deux autres créateurs de cette équipe croate. Mais ils ne sont pas les seuls moteurs des Vatreni. Derrière, le puissant défenseur du Besiktas Domagoj Vida s'impose comme un leader naturel de cette équipe, et dans les cages, Danijel Subasic (AS Monaco) fait office d'épouvantail avec ses parades à répétition et ses quatre tirs au but arrêtés en deux séances.
Une équipe expérimentée. L’autre atout de cette sélection croate, c’est la stabilité de son effectif. Sur les 23 joueurs présents en Russie, 17 étaient déjà de la partie à l’Euro 2016. Arrivés avec le statut d’outsider il y a deux ans, les Vatreni étaient parvenus à sortir d’une poule très relevée (Turquie, Espagne, République Tchèque), s’offrant au passage une victoire de prestige contre les Ibères.
Portés par le trio Modrić- Rakitić- Perišić, les Croates avaient offert trois matches de haute volée, avec un jeu dynamique, reposant sur le contrôle du ballon au milieu et des attaques foudroyantes sur les ailes. Mais le beau jeu de la Croatie avait cédé dès les huitièmes de finale face au pragmatisme des Portugais, futurs vainqueurs de l’Euro, qui ont crucifié les Croates à la 117ème minute.
Statut d'outsider. Une expérience douloureuse pour les Croates mais aussi porteuse de nombreux enseignements. Finis les assauts un peu naïfs sur le but adverse, les hommes du sélectionneur Zlatko Dalić misent désormais sur les attaques placées. Moins percutants qu’il y a deux ans, les Vatreni comptent sur leur expérience pour faire la différence (27,4 ans de moyenne d'âge).
Une expérience qui a déjà payé à deux reprises lors des matches à élimination directe. Incapables de contourner le bloc danois (en huitièmes) puis mis au défi par des Russes beaucoup plus athlétiques (en quarts), les Croates ont su faire preuve de patience et ont démontré une grande force mentale en forçant par deux fois la décision aux tirs au but. Pas de doute : ces Vatreni ont du cœur. Et cela peut leur permettre de faire de grandes choses, à commencer par disputer la première finale de Coupe du monde de leur histoire.