Les universités britanniques plombées par la baisse des étudiants étrangers

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avec l'AFP / Crédits photo : Stéphane de Sakutin / AFP
Avec les restrictions sur les visas et le renforcement du contrôle de l'immigration légale, les universités britanniques tirent la sonnette d'alarme. Sans les étudiants étrangers, elles ne parviennent plus à combler leur déficit ou renflouer leurs caisses. Dans certains établissements, les étudiants étrangers représentent plus de la moitié des effectifs.

Les universités britanniques sont parmi les plus prestigieuses du monde mais attirent moins d'étudiants étrangers, à cause notamment de restrictions sur les visas. Une baisse qui pèse lourdement sur leurs finances. En 2022/2023, il y avait près de 760.000 étudiants étrangers dans les universités britanniques, ce qui fait du Royaume-Uni la deuxième destination mondiale après les Etats-Unis, dans un marché très concurrentiel. Les plus nombreux à venir au Royaume-Uni sont les Indiens, suivis des Chinois et des Nigérians.

Le Royaume-Uni "moins attractif" avec le gouvernement conservateur

Mais en 2023, le nombre de visas étudiants a baissé de 5%. Et entre juillet et septembre, les demandes de visas étudiants ont diminué de 16% par rapport à la même période l'an dernier. Ces chiffres inquiètent car les étudiants étrangers rapportent bien plus que les britanniques. Leo Xui, un Chinois de 20 ans, est arrivé à Londres en septembre pour étudier à l'université UCL les sciences de la population et de la santé. "C'est bien pour mon CV : quand je rentrerai en Chine, cela me permettra de travailler pour une entreprise internationale", dit-il.

Ses frais universitaires s'élèvent cette année à 31.000 livres sterling (37.200 euros). Les Britanniques paient, eux, au maximum 9.250 livres dans les universités anglaises. Le gouvernement travailliste a annoncé lundi que ce montant, gelé depuis 2017, passerait à 9.535 en avril. Les universités réclamaient une augmentation de ces frais universitaires. Universities UK (UUK), qui représente 141 universités du pays, a alerté en septembre sur l'état des finances des établissements, s'inquiétant d'un déclin du secteur universitaire britannique.

Selon UUK, le niveau de financement par étudiant est au plus bas depuis 2004. Les frais de 9.250 livres payés par les étudiants n'ont que très peu augmenté depuis 2012, où ils se montaient à 9.000 livres, soit une hausse nettement moindre que l'inflation. Il y a un déficit dans l'enseignement comme dans la recherche. "Nous ressentons tous la crise", a dit la présidente de UUK, Sally Mapstone, dans une conférence. 

Pour combler ce trou, les universités ont ouvert grand la porte aux étudiants étrangers, au point d'en devenir dépendantes financièrement. Dans certains établissements, ils représentent plus de la moitié des étudiants, comme à la University of Arts de Londres (55%) ou à la Cranfield University (52%), selon un rapport de la Chambre des Communes. Une enquête du Financial Times publiée début 2024 a montré que pour avoir davantage d'étudiants étrangers, certaines universités, dont celle de York, ont abaissé leurs critères d'admission.

La baisse des étudiants étrangers aggravent la crise

Mais le gouvernement conservateur, au pouvoir jusqu'en juillet, qui avait érigé en priorité la baisse de l'immigration, a sérieusement compliqué la tâche des universités en imposant des restrictions sur les visas étudiants. Depuis janvier, il est interdit aux étudiants étrangers de venir avec leur famille, sauf exception. Ils ne peuvent plus passer sur un visa travail pendant leurs études. La baisse dans les demandes de visa étudiant "confirme notre crainte que les changements sous le précédent gouvernement ont rendu le Royaume-Uni moins attractif", déplore Nick Hillman, directeur du think tank Higher Education Policy Institute (Hepi).

"Le narratif (du gouvernement conservateur) a été très destructeur", critique Ian Dunn, le doyen de l'université de Coventry, qui compte 30.000 étudiants, dont 35% d'étrangers. Cette université avait déjà beaucoup souffert du Brexit. "Nous avions avant 4.400 étudiants venant de l'UE. Nous sommes probablement à 10% de ce chiffre", dit Ian Dunn. Car depuis le Brexit, les étudiants européens paient le même montant que les autres étrangers. La situation est "difficile", reconnait-il.

Une enseignante d'une autre université anglaise a raconté à l'AFP sous couvert d'anonymat que des postes ainsi que des cours avaient été supprimés. "La baisse des étudiants étrangers a aggravé de manière dramatique la crise pour nous". Elle souligne la concurrence entre les pays pour attirer les étudiants. Face aux discours anti-immigration, "certains ont préféré aller au Canada, en Australie ou aux Pays-Bas où des cours sont donnés en anglais". 

L'université de Coventry a peut-être trouvé la parade en ouvrant des campus dans plusieurs pays, dont l'Egypte, le Maroc, l'Inde, la Chine, avec des partenariats locaux. A la fin de leurs études, "les étudiants obtiennent un diplôme de l'université de Coventry", explique Ian Dunn. Mais sans avoir mis les pieds au Royaume-Uni.