5.000 à 10.000. C'est le nombre de dauphins pris au piège dans des filets de pêche chaque année sur les côtes françaises du golfe de Gascogne et de la Manche, selon les estimations de l'observatoire des mammifères et des oiseaux marins, Pélagis. Entre décembre 2022 et mars 2023, plus de 1.380 dauphins ont d'ailleurs été retrouvés échoués sur ces mêmes rivages. Un record absolu, et probablement largement sous-estimé, car plusieurs milliers de ces cétacés meurent en mer, sans jamais atteindre les côtes.
Pour réduire le nombre de captures accidentelles de dauphins dans le golfe de Gascogne, le gouvernement a publié ce jeudi au Journal officiel un arrêté pour interdire la pêche "du 22 janvier au 20 février inclus", pour tous les bateaux de 8 mètres ou plus, entre 2024 et 2026. Mais le texte introduit également de nombreuses dérogations à cette règle, notamment pour les navires équipés de dispositifs visant à réduire les captures accidentelles ou de caméras embarquées.
Trop de "situations dérogatoires", selon les chercheurs
Un texte insuffisant, regrettent les ONG environnementales et les chercheurs. "Très peu de bateaux seront impactés par cet arrêté puisque les situations dérogatoires sont très nombreuses", regrette Hélène Peltier, biologiste à l'observatoire Pélagis. "Il est possible qu'il n'y ait pas une vraie réduction de l'effort de pêche l'hiver prochain, puisque les bateaux pourront s'équiper de dispositifs et continuer à pêcher. Nous sommes assez inquiets."
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Car la pêche accidentelle reste "la principale cause de la mort du dauphin commun", que ce soit dans le golfe de Gascogne, sur les côtes de la Manche ou dans l'Atlantique nord-est, insiste la biologiste. Les dauphins communs, comme les marsouins communs, ont plus de risques de se retrouver dans les filets parce qu'ils chassent les mêmes petites proies (sardines, anchois) que les poissons recherchés par les pêcheurs (bar, merlu...), explique le CNRS. Une fois pris dans un filet, le cétacé, qui a besoin de remonter régulièrement à la surface pour respirer, meurt asphyxié.
Le principal problème provient donc de l'engin utilisé pour la pêche, en l'occurrence le filet "qui n'est pas assez sélectif", reprend Hélène Peltier. "Par exemple, un énorme palangrier industriel avec des milliers d'hameçons va bien sûr provoquer des dégâts, mais pas sur les dauphins. À l'inverse, un plaisancier amateur qui déploie un filet de 50 mètres risque de capturer un dauphin."
Les dauphins "partie visible de l'iceberg"
Pour Hélène Peltier, les dispositifs utilisés par les pêcheurs pour repousser les dauphins ne sont pas non plus satisfaisants. Certains sont encore au stade expérimental, alors que d'autres sont déjà considérés comme inefficaces par la communauté scientifique.
D'autant que de nombreuses autres espèces voient leur mortalité augmenter à cause des filets de pêches. C'est notamment le cas des requins, des oiseaux plongeurs, comme les pingouins, des tortues... "Les dauphins ne sont que la partie visible de l'iceberg", conclut Hélène Peltier. Face à cet arrêté, la Ligue pour la protection des oiseaux et Sea Shepherd ont annoncé leur intention de saisir le Conseil d'État.