Le GIGN a 50 ans. Durant ces cinq décennies, cette unité d'élite de la Gendarmerie nationale a forgé sa renommée au gré d'interventions parfois spectaculaires, souvent hautement périlleuses. Retour sur trois opérations qui ont fait la légende du GIGN.
Loyada 1976 : sauvetage d'enfants en plein désert
C'est l'opération qui a fait connaître le GIGN dans le monde entier. Mais Christian Prouteau, fondateur de cette unité d'élite, la décrit aussi comme "la plus douloureuse". Nous sommes le 3 février 1976 à Djibouti, sur la corne de l'Afrique. Un bus scolaire transportant 31 fils et filles de militaires basés à Djibouti, est pris en otage puis détourné jusqu'à Loyada, à la frontière somalienne.
Christian Prouteau réunit neuf de ses hommes. Un effectif a priori suffisant pour venir à bout des ravisseurs censés n'être que trois. "Nous avions développé une sorte de tir que personne n'avait réussi à faire à ce moment-là : le tir simultané. Nous étions sûrs de pouvoir neutraliser les trois hommes dans la même seconde", raconte Christian Prouteau dans un podcast baptisé "Je n'ai pas pu tous les sauver".
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Le commando se rend alors sur place et apprend que les terroristes sont finalement au nombre de quatre, puis cinq, six et même huit. Ils entretenaient en réalité une connivence avec les militaires somaliens présents sur place. Les preneurs d'otage menacent ensuite d'exécuter un enfant toutes les heures. Finalement, une fenêtre de tir s'ouvre et cinq hommes sont abattus. "À ce moment-là, l'enfer démarre", relate Christian Prouteau.
Ses hommes essuient une nuée de tirs provenant d'une mitraillette ennemie. Cloués au sol pendant de longues minutes, deux des militaires parviennent tout de même à rejoindre le bus. L'un d'entre eux se retrouve face à un preneur d'otage qui fait feu, tuant une petite fille et blessant de nombreux enfants. Deux fillettes décèderont et plusieurs enfants conserveront un handicap à vie. L'un d'entre eux, considéré comme "la troisième victime de Loyada" finira par se suicider. "Même si j'ai reçu des remerciements, ça ne me suffisait pas. Nous étions là pour ramener tous les enfants à leurs parents", regrette Christian Prouteau, plus de 45 ans après les faits.
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Ouvéa 1988 : la grotte de l'enfer
Un contexte politique tendu qui conduit à une prise d'otage. Direction la Nouvelle-Calédonie, territoire sous contrôle français depuis 1853, en proie aux velléités indépendantistes dirigées par le Front de libération national kanak socialiste (FLNKS). En 1988, l'élection présidentielle en France, doublée d'un scrutin régional, censé sceller un nouveau statut pour l'île, contraignent la gendarmerie à sécuriser l'élection. Au poste de Fayaoué, la situation dégénère. Un commando d'indépendantistes déboule dans la gendarmerie et constitue deux groupes d'otages qui partiront dans des directions opposées. L'un d'entre eux atterrira dans une grotte au beau milieu de la jungle.
Philippe Legorjus, commandant de l'époque du GIGN, prend contact avec Jean Bianconi, premier substitut du procureur de la République. Les deux hommes décident d'aller au contact des preneurs d'otages et sont fait prisonniers.
Face à des ravisseurs affamés, assoiffés et au bord de l'épuisement, le commandant Legorjus décide d'organiser un ravitaillement et entrevoit la possibilité de sortir les otages de l'ornière via la négociation. Mais à Paris, la lecture de la situation est tout autre. "Ils ont surdosé les choses et ont dit 'Il faut préparer l'assaut' comme si nous étions face à Daesh alors que la négociation était déjà bien entamée", nous explique Philippe Legorjus. Les indépendantistes lui promettent une avancée dans la libération des otages, à condition de pouvoir expliquer, face caméra, à une équipe de journalistes d'Antenne 2, les raisons qui les poussent à réclamer l'indépendance.
Bernard Pons, ministre des DOM-TOM de l'époque, donne son feu vert, mais l'opération est finalement annulée, au grand dam de Philippe Legorjus. Ordre est donné de lancer l'assaut. "C'est un assaut très brutal qui aboutit à 19 morts côté kanak et deux morts côté militaire. Je regrette que l'on ne m'ait pas laissé aller jusqu'au bout", soupire le commandant. Une version contredite par Christian Prouteau, qui conseillait le président François Mitterrand, selon qui Philippe Legorjus l'a contacté précisément "pour que Mitterrand ne s'oppose pas à l'intervention".
Marignane 1994 : 54 heures d'angoisse
C'est l'histoire d'un vol Alger-Paris qui bascula dans l'horreur pour 227 passagers et 12 membres d'équipage. En ce 24 décembre 1994, quatre membres du GIA (groupe islamique armé) prennent en otage l'appareil qui demeurera cloué au sol pendant 54 heures.
Après une tentative de négociation infructueuse et la mort de deux otages, le Premier ministre Edouard Balladur propose l'appui de la France. Refus catégorique des autorités algériennes. En parallèle, le GIGN prend position à Palma de Majorque en Espagne, en vue d'une possible intervention. L'avion finit par décoller, mais ne pourra pas rallier Paris, faute de kérosène. "On ne savait pas où il allait se poser. Le GIGN décide de se mettre en place à l'aéroport de Marignane. Les tireurs d'élite s'installent et bingo ! L'avion s'est posé à Marignane", relate Bernard Thellier, ancien négociateur du GIGN.
Neuf militaires sont blessés, mais les otages sont finalement évacués par l'arrière de l'appareil. Aucun n'a été touché, contrairement aux preneurs d'otages, tous décédés. Couronnée de succès, l'opération dirigée par Denis Favier vaudra aux membres du GIGN de recevoir, à l'Élysée, les félicitations du président François Mitterrand.