Trois policiers ont été condamnés à des peines allant de 3 à 12 mois de prison avec sursis vendredi par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis pour l'interpellation violente en 2017 de Théo Luhaka, jeune homme noir érigé en symbole des violences policières.
Des peines en deçà des réquisitions de l'avocat général
Après plus de neuf heures de délibéré, le gardien de la paix Marc-Antoine Castelain a été reconnu coupable du coup de matraque qui a grièvement blessé le jeune homme alors âgé de 22 ans, dans la cité des 3.000 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Il a été condamné à 12 mois de prison avec sursis et une interdiction d'exercer sur la voie publique pendant 5 ans. Des peines de 3 mois de prison avec sursis ont été prononcées à l'encontre de ses collègues Jérémie Dulin et Tony Hochart pour violences volontaires.
La cour a pris une décision en deçà des réquisitions de l'avocat général qui avait demandé des peines allant de trois mois à trois ans de prison avec sursis. Elle n'a pas retenu la qualification "de violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente". Théodore Luhaka, aujourd'hui âgé de 29 ans, est porteur d'une infirmité depuis son interpellation le 2 février 2017 par les trois fonctionnaires de la brigade spécialisée de terrain (BST).
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La scène captée par les caméras de la ville d'Aulnay-sous-Bois montre les policiers procéder à l'arrestation du jeune homme, qui s'y oppose. Au cours de l'empoignade, Marc-Antoine Castelain porte un coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense (BTD) à travers le caleçon de la victime. Ce coup d'estoc provoque la rupture de son sphincter (muscle annulaire) avec une plaie de dix centimètres de profondeur.
"Il est établi le fait, qu'il n'est pas un criminel"
Peu après les condamnations, le jeune homme et sa famille se sont regroupés en cercle, l'air grave. À sa sortie, Théo Luhaka a été accueilli par une salve d'applaudissements. Visiblement ému, au côté de son avocat, il ne s'est pas exprimé. "C'est une décision d'apaisement que nous prenons comme une victoire", a réagi devant de nombreux journalistes Me Antoine Vey, avocat de la partie civile. "Cette décision vient dire une fois encore que Théo était victime ce jour-là. Que rien ne justifiait qu'il ait été battu", a-t-il notamment ajouté.
De son côté, l'avocat du principal accusé, Me Thibault de Montbrial, a accueilli le verdict comme un "immense soulagement" pour le policier. "Pour la première fois aux yeux de la France entière, il est établi le fait, comme il le dit depuis le premier jour, qu'il n'est pas un criminel", s'est-il réjoui. A la sortie de la cour d'assises, de nombreux militants ont dénoncé "des mascarades". "À quand du ferme pour la police ?", ont-ils scandé avec colère, tenant en main des affiches montrant les visages de personnes décédées à la suite d'interventions policières.
"Le message envoyé à la police, c'est 'vous pouvez mutiler, tuer, vous aurez du sursis'", a tancé Amal Bentounsi, fondatrice du collectif "Urgence la police assassine". "L'infirmité permanente n'est pas reconnue", a regretté la cheffe des députés LFI Mathilde Panot, présente au tribunal judiciaire de Bobigny. "La colère est grande face au deux poids deux mesures", a-t-elle lancé, en comparant ces peines de prison avec sursis aux condamnations à de la prison ferme infligées pour des jets de canette lors des émeutes de juin.
Les trois agents ont été mutés dans leurs régions d'origine
Malgré deux opérations chirurgicales, Théo Luhaka souffre d'incontinence et garde des séquelles irréversibles, selon les experts médicaux. Il avait confié s'être "senti violé" au cours du procès qui a duré deux semaines. Le fonctionnaire de police avait exprimé sa "compassion" après avoir provoqué la grave blessure, mais a estimé son "coup légitime", "enseigné à l'école". Une enquête administrative de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait conclu à "un usage disproportionné de la force" lors de l'interpellation. Les trois agents ont été mutés dans leurs régions d'origine.
Presque sept ans après cette "affaire Théo" au retentissement national, le débat sur le maintien de l'ordre et l'usage de la force n'a cessé de ressurgir avec notamment la mort de Nahel, tué lors d'un contrôle routier par un tir de police en juin.