Le suspect de l'agression mortelle du militant corse Yvan Colonna à la prison d'Arles, dans les Bouches-du-Rhône, en 2022 a évoqué dans un courrier "un acte commandité", des propos à prendre "avec la plus grande prudence" eu égard à ses troubles psychiques, a indiqué mercredi une source proche du dossier.
"A la suite de son dernier interrogatoire au cours duquel il avait donné une version des faits totalement différente, Franck Elong Abé a écrit au magistrat instructeur pour évoquer un acte commandité par des individus se présentant sous une fausse identité mais étant des agents de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) qui lui auraient intimé l'ordre d'assassiner Yvan Colonna", a détaillé la source proche. L'existence de cette lettre a été révélée par Corse-Matin et France 3 Corse.
"Graves défaillances"
"L'état psychiatrique de Franck Elong Abé, dont les experts ont conclu qu'il avait eu une altération du discernement, et l'incohérence d'une partie de son écrit conduisent à considérer ses nouvelles déclarations avec la plus grande prudence", a ajouté cette source. Yvan Colonna, qui purgeait une peine de réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, avait été violemment agressé le 2 mars 2022 dans la salle de sports de la prison d'Arles par cet homme radicalisé condamné notamment dans un dossier terroriste. Il est mort un mois plus tard.
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Au moment des faits, Franck Elong Abé était classé détenu particulièrement signalé (DPS) depuis novembre 2015 en raison de sa "grande dangerosité", de "son instabilité" et de "la persistance de son comportement violent", selon des documents d'enquête. Il purgeait alors plusieurs peines, dont une de neuf ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs terroriste, et était libérable en décembre 2023. Le suspect, actuellement âgé de 37 ans, est mis en examen pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste.
Lors de ses premiers interrogatoires, il avait expliqué s'en être pris à Yvan Colonna parce qu'il aurait blasphémé contre le prophète Mahomet. Il avait affirmé avoir "agi seul", "pour le compte d'aucun groupe". Une commission d'enquête parlementaire sur les conditions de cette agression mortelle a pointé, dans un rapport publié en mai 2023, de "graves défaillances" dans l'appréciation de la dangerosité de M. Abé, une "rigueur" excessive du traitement carcéral infligé à Yvan Colonna et des "dysfonctionnements" d'ordre général dans l'établissement pénitentiaire.