Après deux semaines consacrées à l'examen des faits et de la personnalité de l'accusé Peter Cherif, la cour d'assises spéciale de Paris a donné la parole aux parties civiles. Les proches des victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo espèrent obtenir des réponses sur la tragédie du 7 janvier 2015, bien que l'accusé, soupçonné d'avoir joué un rôle clé dans la préparation de l'attaque, oppose un silence pesant.
Les attentes des proches de Charlie Hebdo
Dès le début de l'audience, Laurent Sourisseau, plus connu sous le nom de Riss, directeur de publication de Charlie Hebdo, a exprimé l'attente de réponses sur l'origine de l'attaque : "On sait qui a commis l'attentat ce jour-là, mais qui a dit ce journal-là ? Qui a eu l'idée de faire ça ?", interroge-t-il.
Peter Cherif, ami proche de Chérif Kouachi et soupçonné d'avoir préparé l'attentat au Yémen, a choisi de se retrancher derrière le silence. À la question de Riss, il répond d'une voix presque inaudible : "Je ne souhaite pas réagir". Depuis le début du procès, l'accusé évite soigneusement les questions qui pourraient le compromettre, insistant sur son absence de rôle dans l'attentat.
Les témoignages poignants des victimes
Parmi les témoignages marquants, celui de la caricaturiste Corinne Rey, alias Coco, a résonné particulièrement fort. Le jour de l'attentat, c'est elle qui a croisé les frères Kouachi et a été contrainte, sous la menace des armes, de leur ouvrir l'accès à la rédaction. Face à Peter Cherif, elle déclare avec amertume : "Je trouve ça lâche de nous laisser sans réponse à nos questions, ce n'est pas ce que j'attendais".
Elle raconte avec émotion le déroulé de cette journée fatidique, l’instant où elle a cru être exécutée, les tirs, le silence de mort qui a suivi, et la découverte des corps sans vie de ses collègues. Elle n'hésite pas à qualifier les terroristes de lâches : "C'étaient des lâches, des mecs petits, planqués derrière de grandes kalachnikov", poursuit-elle.
Un procès marqué par le silence
Les témoignages se succèdent, tous empreints d'une profonde douleur et d'une colère palpable face au mutisme de l'accusé. Marika Bret, proche du dessinateur Charb, s'insurge contre le silence de Peter Cherif, qu'elle qualifie de "silence de lâche". Pour elle, ce mutisme est insupportable dans un procès où elle attend des réponses à un "crime politique".
Véronique Cabut, veuve du célèbre caricaturiste Cabu, rejoint ce sentiment, estimant que ce silence est peut-être l'arme la plus efficace pour Peter Cherif, mais qu'il n'apporte aucune utilité à la recherche de la vérité. Ce refus de parler, de la part d'un homme qui est pourtant au cœur du dispositif terroriste, est vécu comme une forme de mépris par les familles des victimes. Cependant, certains rescapés expriment une forme de résilience face à l'absence de réponses. Simon Fieschi, webmaster de Charlie Hebdo grièvement blessé lors de l'attaque, estime avoir obtenu les réponses qu'il cherchait, malgré les silences. Il explique : "J'ai lu le dossier, j'ai vu les débats plus ou moins contradictoires. Parfois, même si j'ai été frustré par les non-réponses, j'ai aussi été attentif à la façon dont ces non-réponses ont été prononcées".
Au terme de ces audiences, un constat s'impose : le silence de l'accusé est au cœur de toutes les frustrations. Si certains, comme Simon Fieschi, parviennent à tirer des enseignements de ce silence, d'autres, comme Riss ou Coco, peinent à accepter cette absence de réponses claires. Dix ans après l'attentat, la colère est encore vive, alimentée par l'absence de vérité complète. Le procès de Peter Cherif, marqué par cette omerta, ne parviendra peut-être pas à apaiser totalement les blessures des proches des victimes. Le verdict sera rendu le 4 octobre.