Mise en examen et écrouée début avril, fait rarissime pour une magistrate, la juge Hélène Gerhards, soupçonnée de liens avec le banditisme corse, a obtenu sa remise en liberté mais avec de sévères restrictions dont l'interdiction d'exercer, a décidé mercredi la Cour d'appel d'Aix-en-Provence. La Chambre de l'instruction de la Cour d'appel a aussi assorti son contrôle judiciaire d'une interdiction d'entrer en contact avec tous les protagonistes de l'affaire et de se rendre en Corse.
"Je renonce à mon métier mais pas à mes enfants!"
"Notre cliente est apparue hier (mardi) à l'audience de la Cour d'appel d'Aix, amaigrie et dévastée après ce cauchemar depuis deux semaines. Cette décision de remise en liberté est un immense soulagement et un long travail va pouvoir débuter pour faire la démonstration de son innocence", a affirmé à l'AFP Yann Le Bras, l'un des avocats de la magistrate. La veille, Mme Gerhards, 49 ans, et ses conseils avaient notamment justifié leur demande de libération pour des raisons familiales et de santé.
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"Je renonce à mon métier mais pas à mes enfants!", s'était exclamé celle qui fut juge d'instruction à Albertville (Savoie), à Marseille et en Corse entre 2010 et 2016. Elle avait ensuite été nommée vice-procureure à Toulouse puis, en 2021, à la Cour d'appel d'Agen avant de présider un temps les Assises du Lot-et-Garonne où elle était juge au moment de sa mise en cause.
Des problèmes de santé incompatibles avec la détention ?
Le 5 avril, elle avait été mise en examen pour 11 chefs d'inculpation très lourds dont détournement de fonds publics, faux en écriture publique par un dépositaire de l'autorité publique et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime ou d'un délit, suivi de son placement en détention provisoire, des décisions exceptionnelles concernant un magistrat.
"Mettez-moi sous contrôle judiciaire, avec un bracelet, peu importe. Je respecterai tout mais ne me faite pas vivre encore cela", avait supplié la magistrate mardi lors de sa première prise de parole publique depuis sa mise en examen. Sa défense avait souligné des problèmes de santé incompatibles, selon elle, avec sa détention: la magistrate, apparue dans son box des détenus avec un large pansement sous le menton, avait subi une opération avant son incarcération.
"Risque de concertation"
L'avocat général, Jean-François Mailhes, avait au contraire demandé son maintien en détention pour "éviter tout risque majeur de concertation frauduleuse" entre les parties. Ce à quoi Hélène Gerhards lui avait rétorqué n'avoir "jamais pactisé avec le grand banditisme!".
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Point de départ de cette affaire: l'interception par la police d'une discussion téléphonique entre personnalités appartenant au grand banditisme corse, dont Johann Carta, lors de laquelle l'un d'eux parlera de sa proximité avec la juge d'instruction. M. Carta, condamné à quatorze reprises, entre autres pour outrage et travail dissimulé, est un membre présumé de la bande criminelle dite du "Petit Bar". Il est aussi mis en examen dans un dossier d'"escroquerie, extorsion de fonds et blanchiment d'argent en bande organisée".
"Manipulée" par son mari ?
Cette discussion concernait notamment des travaux effectués dans la villa de 320 m2 avec vue sur mer au sud d'Ajaccio appartenant à Mme Gerhards et à son ancien compagnon, un ex-gendarme, qui n'auraient pas été entièrement facturés. Achetée 600.000 euros en 2011, la villa en vaudra plus de deux millions en 2022 lors de sa mise en vente.
La magistrate est soupçonnée d'avoir en échange "rendu des services", dont la fourniture d'informations sur des procédures judiciaires en cours et des conseils juridiques. Elle aurait aussi, toujours selon l'accusation, également établi de fausses ordonnances de commission d'experts et en traduction au profit principalement de son ex-mari. Des faits pour lesquels elle est accusée de "détournements de fonds publics", pour un montant total de 123.000 euros. Selon la défense, c'est l'ex-mari de Mme Gerhards qui l'aurait "abusée" et "manipulée", manigançant toutes les malversations.