Intoxication au plomb au château de Versailles : seize ans après, des ouvriers marqués et «en colère»

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Des ouvriers, intoxiqués au plomb en 2009 sur le chantier de l'Opéra royal du château de Versailles, ont exprimé leur "colère" au procès de six personnes et quatre entreprises accusés de ne pas les avoir protégés. Au moment des faits, ils n'avaient aucun équipement de protection, mis a part "des masques en papier".
Seize ans après leur contamination au plomb sur le chantier de l'Opéra royal du château de Versailles en 2009, des ouvriers ont exprimé lundi leur "colère" au procès de six personnes et quatre entreprises accusés de ne pas les avoir protégés.
Les prévenus, parmi lesquels l'ancien président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) François Asselin et l'architecte en chef des monuments historiques en charge du château de Versailles, Frédéric Didier, sont jugés devant le tribunal correctionnel de Versailles pour blessures involontaires et mise en danger d'autrui de cinq ouvriers. Deux des prévenus, dont M. Asselin, sont aussi poursuivis pour subornation de témoins.
Des conséquences physiques et psychologiques lourdes
Quatre ouvriers ont expliqué au tribunal avoir travaillé entre février et juillet 2009 sans équipement de protection, sauf "des masques en papier", et sans ventilation sur ce chantier où rien n'était prévu pour traiter les déchets contaminés au plomb, ni pour décontaminer leurs vêtements.
Ces menuisiers, tous intérimaires et employés par la société Asselin, dirigée par François Asselin, travaillaient à la restauration de boiseries de cet opéra du 18e siècle, inauguré sous Louis XV. Ils effectuaient des travaux de ponçage, grattage et rabotage sur des pièces de menuiserie dont les peintures contenaient du plomb. "On décapait dans l'illégalité, il faut dire ce qui est", a déclaré l'un d'eux.
Tous ont affirmé n'avoir jamais été informés de la présence de plomb, ni n'avoir reçu de formation pour gérer les risques posés par cette substance.
Ils ont raconté les conséquences physiques et psychologiques de cette intoxication, qui aurait pu leur être fatale : irascibilité, problèmes gastriques et grande fatigue. L'un d'eux a expliqué avoir perdu 20 kilos et une dizaine de dents.
"J'ai perdu ma carrière en 2009, j'étais incapable de travailler"
Alarmé par ces symptômes, un des menuisiers a effectué des analyses de sang, qui ont révélé un taux de plomb bien supérieur à la moyenne. Il avait alors alerté les autres ouvriers du chantier et déposé plainte auprès du parquet de Versailles en septembre 2009.
Profondément marqués, inquiets d'être de nouveau exposés au plomb, plus aucun ne travaille comme menuisier sur des monuments historiques, un emploi qu'ils ont tous décrit comme prestigieux.
"J'ai perdu ma carrière en 2009, j'étais incapable de travailler", a raconté un des plaignants, qui faute de revenus, a "fini à la rue" avant de "rebondir dans le secteur de la sécurité en 2016".
Plus de quinze ans après les faits, ce n'est "plus de l'angoisse, mais de la colère de voir le mépris de classe de cet entre-soi qui ne comprend pas pourquoi la plèbe vient leur chercher des coups dans la tête", a déploré un autre de ces ouvriers.