C'était une confrontation très attendue. Ce jeudi, pour le quatrième jour d'audience du procès d'Éric Dupond-Moretti, jugé pour des soupçons de prise illégale d’intérêts, François Molins, l'ex-procureur près la Cour de cassation, a été auditionné. Pour rappel, c'est lui, en tant que procureur, qui avait ouvert l'information judiciaire contre l'actuel ministre et les deux hommes se détestent cordialement. Les esprits s'échauffent, mais l'ambiance, elle, est glaciale.
Il est 16 h 56 quand François Molins, en costume gris, chemise bleu clair, entre dans la salle d'audience d'un pas décidé. "Le prévenu, ce n'est pas moi, c'est Éric Dupond-Moretti", prévient l'ancien procureur près la Cour de cassation. Le ministre feint de l'ignorer, signe des parapheurs, comme s'il avait mieux à faire.
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Molins a refusé la Chancellerie
Mais une confidence du témoin ne va pas laisser indifférent. François Molins pique au vif l'ex-ténor du barreau. Lui aussi était pressenti pour devenir ministre. "La conseillère justice de l'Élysée m'a demandé si j'étais intéressé, c'était en mai 2020", lâche-t-il, soit deux mois avant le remaniement ministériel, mais lui a décliné.
"J'ai répondu à cette conseillère : 'vous plaisantez ? Je suis magistrat et non politique'". François Molins enchaîne, son débit est très rapide. Il rapporte cet échange avec la directrice de cabinet du ministre qui lui demandait son avis sur la pertinence de saisir le Conseil supérieur de la magistrature après l'enquête de fonctionnement à l'encontre du parquet national financier. "Je lui ai dit que la saisie directe du CSM était impossible, mais que l'ouverture d'une enquête administrative, elle l'était".
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"Pas là pour pallier les défaillances du cabinet du garde des Sceaux"
L'ex-directrice du cabinet du ministre, Véronique Malbec, est alors appelée à la barre. Pour elle, c'était un conseil. François Molins réplique : "Ce n'était ni un conseil, ni une recommandation, c'était une règle de droit", avant de poursuivre, "moi, je ne suis pas là pour pallier les défaillances du cabinet du garde des Sceaux". La confrontation vire bel et bien au règlement de comptes.