Deux fonctionnaires de police ont été condamnés jeudi par le tribunal correctionnel de Bobigny à quatre ans de prison avec sursis pour avoir grièvement blessé un automobiliste et sa passagère après un refus d'obtempérer en août 2021 en Seine-Saint-Denis.
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Âgés de 30 et 33 ans, deux policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) de Stains ont été condamnés pour avoir ouvert le feu de manière excessive lors d’une intervention nocturne en août 2021. Ils ont été reconnus coupables d'avoir tiré huit balles en l'espace de 6,25 secondes, blessant gravement le conducteur et la passagère du véhicule qu'ils contrôlaient.
Interdiction définitive d'exercer dans la police
Le tribunal a prononcé une interdiction définitive d'exercer dans la police nationale pour les deux policiers. De plus, ils se voient interdire le port d'armes pendant cinq ans, une sanction sévère compte tenu de leur fonction. Cette décision intervient après une procédure judiciaire où leur comportement a été jugé disproportionné par rapport à la situation.
Lors du procès, les deux policiers ont défendu leur acte en expliquant avoir agi par crainte pour leur vie. Ils ont affirmé que le conducteur avait mis en marche arrière en tentant de les percuter. Cependant, le tribunal a jugé que les policiers avaient réagi de manière excessive et que les tirs n’étaient pas justifiés par une situation de légitime défense.
Il est à noter que les deux policiers faisaient usage de leur arme pour la première fois de leur carrière. Cet élément a été évoqué lors du procès, où ils ont insisté sur le stress et la tension de l’intervention. Toutefois, le tribunal n’a pas pris en compte ces arguments pour justifier leur comportement.
Appel requis
"Il s'agit d'une décision que nous ne comprenons pas et dont nous interjetons appel immédiatement", a réagi auprès de l'AFP leur avocat, Me Laurent-Franck Liénard. Selon la défense, les policiers ont agi en légitime défense, estimant que leur vie était en danger à ce moment précis.
Lors du procès début octobre, la procureure avait requis un an de prison sous surveillance électronique. Cette demande faisait suite à l’utilisation d’armes à feu, jugée disproportionnée et mal fondée par le tribunal.
Le tribunal a estimé que les policiers ne pouvaient se prévaloir de l'article 435-1 du code de sécurité intérieure, qui encadre l'usage des armes par les forces de l'ordre. En effet, les agents n'étaient pas en uniforme et n’étaient pas munis de brassards ou d'insignes apparents lors de cette intervention, ce qui a conduit à la requalification de leur action. La présidente de la 14e chambre correctionnelle a également souligné l'absence de légitime défense, précisant qu’il y avait une "disproportion entre les tirs qui ont grièvement blessé les victimes et le comportement du conducteur".
Témoignages des victimes
Le conducteur du véhicule, Nordine, a été touché par cinq balles, aux bras, à l'aine, à l’abdomen, à l’artère fémorale et au thorax. Grièvement blessé, il a été hospitalisé et a perdu 10 centimètres à l’un de ses bras. Il a également des éclats de balle qui demeurent dans son corps, et a reçu 127 jours d'incapacité totale de travail (ITT). Sa passagère, Merryl, a également été touchée par une balle, nécessitant une ablation de la rate et 100 jours d'ITT.
Une vidéo amateur qui fait la différence
L’incident, qui a eu lieu dans la nuit du 15 au 16 août 2021, a été largement diffusé sur les réseaux sociaux grâce à une vidéo amateur. On y voit l’équipage de la BAC, en civil et dans une voiture banalisée, réaliser un contrôle sur un conducteur alcoolisé. L'un des policiers tente d'entrer dans l'habitacle du véhicule, et, lorsque le conducteur enclenche la marche arrière, les policiers ouvrent le feu à plusieurs reprises, tirant huit balles en seulement six secondes.