On vous en parlait en octobre dernier. Exhibit B, l'exposition performance du Sud-Africain Brett Bailey, s'inspire des zoos humains du 19e siècle. L'artiste, né au Cap sous l'apartheid, a conçu douze tableaux vivants dans lesquels des comédiens noirs prennent la place des anciens "indigènes" de l'époque coloniale. Alors que le spectacle-performance est à présent installé à Paris, au théâtre Gérard Philippe de Saint Denis, du 27 au 30 novembre, avant de faire escale au Centquatre du 7 au 14 décembre prochain, une pétition continue de tourner. Ses détracteurs exigent qu' Exhibit B soit déprogrammé.
Une exposition anticoloniale… Des comédiens sont soumis, l'œil sombre, silencieux, au regard des visiteurs, parfois à travers des cages. L'œuvre de l'artiste sud-africain blanc, Brett Bailey, Exhibit B plonge ainsi dans l'histoire coloniale, en dévoilant des tableaux vivants de Noirs tels qu'on les exposait dans les foires et expositions aux 19 et 20ème siècles. Les critiques évoquent tout à la fois un spectacle "perturbant", "insupportable" ou "essentiel".
… taxée de raciste. Qualifiée de "raciste" par ses détracteurs, la performance Exhibit B a déjà été annulée à Londres, en septembre, suite à une manifestation de militants antiracistes. En France, c'est aussi un militant antiraciste, John Mullen, qui est à l'origine d'une pétition sur Internet, adressée "au 104, à la direction du Théâtre Gérard Philipe à Saint Denis et aux maires de Paris et de Saint Denis." Les quelque 19.700 signataires, qui assument de n'avoir pas vu l'exposition, exigent pourtant la "déprogrammation du zoo humain!", la jugeant "humiliante". Pour l'artiste Brett Bailey, il s'agit d'un profond malentendu "de la part de gens qui n'ont pas vu l'installation".
"Le débat oui, la censure, non." Au théâtre Gérard Philippe, on défend un projet qui s'inscrit "dans la ligne artistique humaniste du théâtre". Sur le site de l'établissement, on trouve d'ailleurs un billet du directeur Jean Bellorini, qui répond aux contestataires : "Cette œuvre d'art dénonce sans ambiguïté toute forme de déshumanisation, de racisme". L'un des intertitres du papier dissipe encore, toute ambiguïté : "Le débat oui, la censure, non." Une position partagée par le Cenquatre à Paris, où l'on suit la polémique de près.
De nombreux soutiens. La Ligue des droits de l'Homme, le Mrap, la Licra, l'Observatoire de la liberté de création, le syndicat professionnel du spectacle vivant, se sont déjà mobilisés en faveur de l'artiste.
La maire de Paris et la ministre de la Culture ont exprimé mercredi leur soutien à l'artiste sud-africain Brett Bailey. Anne Hidalgo a, pour sa part, confirmé la tenue du spectacle "face aux demandes d'interdiction dont (elle) a été saisie, émanant du Collectif contre Exhibit B et du groupe UMP au Conseil de Paris", affirme-t-elle dans un communiqué. Quant à Fleur Pellerin, elle a évoqué "un spectacle, qui entend dénoncer sans ambiguïté ce que le racisme a produit de pire", rappelant que l'exposition a d'ailleurs déjà été présentée sans incident à plusieurs reprises à l'étranger, mais aussi en France, et notamment à Avignon en 2013.