1927. Le jeune Jiro est fasciné par les avions. Mais sa myopie l’empêche de devenir pilote. Talentueux et travailleur, il est engagé dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie, Mitsubishi. A défaut de pouvoir voler, il deviendra l’un des plus grands ingénieurs du monde. De la Grande Dépression à l'entrée du Japon dans la Seconde guerre mondiale, d’une épidémie de tuberculose au séisme de Kanto, en 1923, Le Vent se lève, le dernier film d’animation réalisé par Hayao Miyazaki raconte l’histoire vraie d'un ingénieur aéronautique, Jiro Horikoshi, concepteur de l'avion de chasse Mitsubishi "Zéro", qui s’est entre autres abattu sur Pearl Harbor. Après Princesse Mononoké, Le voyage de Chihiro, ou Le Château ambulant, le réalisateur signe un film d’animation bouleversant. Avec Le Vent se lève, Miyazaki tire surtout sa révérence. Ce film, a-t-il annoncé, sera son dernier.
>>> Le Vent se lève, un Miyazaki à ne pas rater ? Raphaël Colson et Gaël Régner, les auteurs de Miyazaki, Cartographie d'un univers aux éditions Les Moutons Electriques, répondent en chœur : "oui".
Parce que Miyazaki se dévoile comme jamais. Miyazaki s’est donc inspiré pour la première fois d’une histoire vraie, celle de l'ingénieur en aéronautique Jiro Horikoshi. "C'est sûrement important du point de vue japonais", précise Raphaël Colson, "toutefois, considérer Le Vent se lève sous l'angle du biopic serait, à mon avis, une erreur. Car derrière le personnage de Jirô, se dévoile sans peine un alter ego de Miyazaki : tous deux sont des créateurs emprunts d'idéalisme et tous deux partagent le rêve de l'envol. Le parcours de Jirô au sein de la Mitsubishi (l’entreprise de construction mécanique dans laquelle il est chargé de concevoir des avions, NDLR) ne fait-il pas écho au propre parcours de Miyazaki au sein de l'industrie de l'animation, de la Toei (entreprise de production de films, NDLR) au studio Ghibli (studio d’animation produisant des dessins animés, NDLR)? Et puis, par bien des aspects, Jirô est un personnage typiquement miyazakien : il mène une quête, au cours de laquelle il va se confronter à la civilisation et à la société, avant de pouvoir donner corps à son rêve."
Miyazaki et Jirô, un même profil, celui de doux rêveur ? "Ce qui est important, derrière ce choix, c'est de mettre en avant l’histoire d'un idéaliste, d'un rêveur, car cela permet de léguer au public un modèle de créateur, qui garde les yeux rivés vers l’avenir, confiant", confie encore Gaël Régner.
Parce que c’est un testament. "Ce film revêt un indéniable caractère testamentaire, en multipliant les strates de lecture possibles", analyse Raphaël Colson. D’abord, il y a la couche de lecture proprement historique : "Miyazaki développe un dialogue entre le passé et le présent de son pays. " Vient ensuite la strate intime : "Jirô : comme nous l'avons dit, constitue sûrement un double de Miyazaki, dans ses rêves et ses aspirations. Enfin, Le vent se lève est truffé de références à toute l'œuvre de l'auteur, de son premier manga, Le Peuple du désert, à Ponyo, en passant par Nausicaä, Totoro, Porco Rosso, Le Château ambulant. Et puis, n'oublions pas l'importance du sous-titre du film, deuxième moitié du vers de Paul Valéry : "il faut tenter de vivre!"Cette citation définit pleinement l'essence de l'œuvre de Miyazaki, car ce dernier évoque constamment la question de la vie, que se soit dans ses films et dans ses mangas (Le peuple du désert, Nausicaä et Le Voyage de Shuna)."
Et puis, "comme dans un testament, il y a l'aspect rétrospectif, mais aussi une pensée prospective, tournée vers l'avenir, marquée par une fraîcheur créatrice qui impressionne quand on se rappelle qu'elle émane d'un jeunot de 72 ans !", s'amuse Gaël Régner.
Parce que Miyazaki innove comme jamais. "Miyazaki se livre, dans le Vent se lève, à quelques audaces : à travers la focalisation, dans l'animation et la mise en son des scènes de rêve, ou encore dans la mise en scène de certains plans (le tremblement de terre, la course-poursuite allemande, pour ne pas trop en dire)… Bref, non seulement il effectue un retour sur son œuvre, mais il continue aussi d'innover, dans la droite ligne des films précédents", s'enthousiasme Gaël Régner. Les ruptures sont surtout notables " dans la façon dont l'auteur a combiné avec brio mise en perspective historique, souffle lyrique et onirisme. Jamais Miyazaki n'avait eu recours au rêve comme il l'a fait avec Le Vent se lève – c'est même l'un des aspects les plus séduisants du film", fait encore remarquer Raphaël Colson.
Parce que ce dernier film nous donne envie d’aller voir tous les précédents. "N'importe quel film, ou manga, de l'auteur se suffit à lui même, dans la mesure où il expose en son sein les motifs et les thématiques qui occupent son auteur depuis plus de quarante ans", préviennent en préambule les deux auteurs. "Cependant, nous conseillons vivement de voir et lire l'ensemble de l'œuvre, car les interactions entre les récits offrent une vue d'ensemble. Et c'est ce maillage, fondé sur un "schéma directeur "qui est fascinant dans l'œuvre miyazakienne", précise Raphaël Colson.
"Tous les personnages sont poussés à mener un voyage initiatique, au cours duquel ils en viennent à se confronter à une série d'obstacles (représentés par les motifs de la société, de la civilisation et de la nature), avant de pouvoir atteindre leur destination, en un lieu où ils font la paix avec eux-mêmes et avec l'autre." Pour Gaël Régner, ce qui fait, entre autres, le génie de Miyazaki, " c'est qu'il sait comme personne inviter le spectateur dans son œuvre. Du coup, voir un seul film, c'est mettre le doigt dans l'engrenage : on a envie de construire sa propre vision, de repérer les similitudes d’un film à l'autre, et les points communs." A vos DVD !
HOMMAGE : celui des Simpson à Miyazaki
THE END : Le cinéaste Hayao Miyazaki tire sa révérence