Deux semaines après son trompe-l’œil monumental autour de la Pyramide du Louvre, l'artiste français JR frappe encore : pour la Biennale de La Havane qui ouvre vendredi, il expose la photo géante d'un enfant cubain épiant les toits de la ville.
Un petit garçon qui regarde au-delà du mur
La star mondiale du collage photographique revendique, dans un entretien à l'AFP, "une relation directe à l'oeuvre et sans chichis" et raconte ce projet d'habiller un mur du quartier chinois de La Havane, à l'invitation de l'Italien Lorenzo Fiaschi, directeur de la galerie Continua. L'idée de cette oeuvre - la photo d'un petit garçon pieds nus, collée à l'horizontale avec la tête qui dépasse pour regarder au-delà - lui est venue "très simplement", assure l'artiste de 36 ans. Car derrière ce mur jaune incliné, ce sont les toits décrépis du centre de la capitale cubaine qu'on aperçoit.
And the crane came ... work in progress in Cuba with @galleriacontinua @artecontinua_lahabana for the Biennale pic.twitter.com/BmbAeRpVLK
— JR (@JRart) 10 avril 2019
Donc il fallait forcément une photographie de "quelqu'un qui regarde". "Il y avait cet enfant qui était sur le balcon [d'une maison voisine], et qui regardait. On l'a appelé, en lui demandant 'Tu descends ?'. On lui a dit 'fais comme si tu étais sur le mur', il s'est mis sur la pointe des pieds et on a fait la photo comme ça."
Une absence d'auto-proclamation à l'occidentale
Ce petit garçon, d'à peine 10 ans, est venu voir cette semaine le résultat final. Se découvrir en géant, "ça l'a fait rigoler, mais sans être tout excité... sa mère avait un téléphone et elle n'a pas pris une photo", note JR. "La France, les États-Unis sont des pays où on a été habitué à l'auto-proclamation de soi par l'image, par les selfies, par des célébrités en grandeur nature". Mais rien de tout cela dans l'île, sous gouvernement communiste depuis 1959. "Quand on n'a pas grandi avec ça, l'impact est complètement différent".
Des portraits du Che à ceux des habitants
A Cuba, la notion d'espace public a une connotation particulière : pas de publicités sur les murs, mais à la place des messages de défense de la révolution menée par Fidel Castro en 1959, ou des portraits de ses compagnons de combat, Ernesto "Che" Guevara et Camilo Cienfuegos. L'artiste français dit y trouver un certain repos. "Quand je rentre à Paris ou à New York, on est tellement abreuvés de publicités partout. Ici notre esprit est laissé à penser, à rêver". Pour les Cubains, voir leurs murs ainsi rhabillés par de l'art contemporain, c'est encore assez nouveau.
"Quand j'étais venu faire un projet ici pour la Biennale de 2012, j'avais mis des portraits de personnes âgées sur 15 ou 20 murs dans la ville", se souvient JR. "C'était la première fois que d'autres portraits que ceux du Che, de Fidel ou Camilo étaient agrandis sur les murs et donc, c'était fascinant parce que les gens demandaient 'je ne reconnais pas qui c'est, Fidel ou Che ?' Je leur disais 'ben non c'est José, il habite à l'angle ici'".