"Une actrice rare et singulière dont le talent et les convictions irriguent les écrans de cinéma" : Cate Blanchett, choisie jeudi pour présider le jury du prochain Festival de Cannes sera une "présidente engagée", selon les mots des organisateurs. L’Australienne de 48 ans, lauréate de deux Oscars, s’illustre en effet pour son combat contre le harcèlement sexuel et pour les droits des femmes dans le cinéma. Une manière pour le célèbre festival de la Croisette de soutenir la cause des femmes dans le milieu du 7e art, ébranlé depuis l’affaire Weinstein.
Dénoncer Harvey Weinstein
Cate Blanchett a été une des premières femmes à s’élever contre le producteur Harvey Weinstein, accusé par une centaine de femmes de harcèlement, d’agressions sexuelles et de viols. "Nous aimons toutes être sexy, mais ça ne veut pas dire que nous voulons b***** avec vous", avait-elle lancé lors de la cérémonie des InStyle Awards à Los Angeles après l’éclatement du scandale début octobre, en visant sans le nommer Harvey Weinstein.
"Tout homme qui se trouve dans une position d'autorité ou de pouvoir et pense avoir le droit de harceler, menacer ou agresser sexuellement des femmes qu'il rencontre ou avec lesquelles il travaille, doit rendre des comptes", avait-elle également affirmé au magazine Variety. Mais déjà bien avant l’affaire Weinstein, Cate Blanchett a dénoncé à plusieurs reprises le sexisme qui règne dans l’industrie du cinéma.
Lutter contre le sexisme sur le tapis rouge
Lors des Screen Actors Guilds Awards en 2014, l’actrice avait pris à partie un cameraman qui filmait sa tenue, des pieds à la tête. "Vous faites ça aussi avec les hommes ?", l’interrogeait-elle.
C’est d’ailleurs lors de cette cérémonie, où elle se voit décerner le prix de la meilleure actrice pour Blue Jasmine, que Cate Blanchett constate disposer de moins de temps de parole que Matthew McConaughey. "Vingt-neuf secondes ? Matthew McConaughey a parlé de Neptune, alors je crois que je peux avoir cinq secondes" de plus, s’imposait-elle alors, sous les applaudissements de la salle.
Soutenir les victimes de harcèlement
Et de la parole aux actes, Cate Blanchett a lancé au 1er janvier la fondation "Time’s up" ("C’est fini"), avec 300 autres personnalités féminines du cinéma. Avec un fonds de plus de 13 millions de dollars, le projet permettra de financer un "soutien total", et notamment juridique, aux femmes et hommes victimes de harcèlement sexuel au travail aux États-Unis, et notamment dans les métiers sous-payés. "Nous nous engageons également à continuer à pousser pour de réels changements dans notre propre domaine, afin de faire de l'industrie du show-business un endroit sûr et équitable pour tous", explique encore la lettre ouverte publiée par le collectif.
Autre combat de Cate Blanchett : les écarts de salaires entre les actrices et les acteurs. Dans une interview à Madame Figaro publiée en novembre dernier, elle déclarait : "Le problème de l’égalité entre les sexes ne sera vraiment résolu que lorsque l’égalité salariale sera acquise. Ce qui n’est toujours pas le cas." Et l’Australienne d’ajouter que l’égalité femmes-hommes progressera "lorsque les femmes cesseront de dire qu’elles peuvent tout assumer". "Tout le monde se plante avec ses enfants ou son job ou son couple. Pourquoi prétendre le contraire ?"
Incarner des femmes de caractère à l’écran
Dans sa filmographie dense et éclectique, qui alterne entre films d’auteurs et blockbusters, Cate Blanchett a souvent joué des femmes de pouvoir et/ou de convictions. Dans Carol, elle se glisse dans la peau d’une femme distinguée et prisonnière de son mariage, qui va nouer une relation amoureuse avec une jeune employée. Elle va rapidement se trouver tiraillée entre son attirance et ses convictions des années 1950. "Il y a 70 pays dans le monde où l'homosexualité est encore illégale. Nous vivons une époque profondément conservatrice", avait déploré l’actrice en 2015 depuis Cannes, où elle présentait le film.
Même dans Blue Jasmine, où elle se retrouve dans la peau d’une mondaine déchue et fauchée, Cate Blanchett incarne une femme qui tente de préserver coûte que coûte son indépendance et sa fierté alors que la folie la brise peu à peu.
Lorsqu’elle remporte en 2014 l’Oscar de la meilleure actrice pour Blue Jasmine, Cate Blanchett se sert de la tribune pour tenir un discours des plus féministes. "Les gens de cette industrie pensaient bêtement que les histoires de femmes restaient des films de niches. Et bien ils ont tort", avait-elle déclaré. "Comme quoi, donner des rôles-titres et aussi importants à des femmes, ça peut rapporter", avait-elle ajouté en lançant un clin d’œil à sa partenaire de jeu, Sally Hawkins.
Il ne fait aucun doute que la nomination de Cate Blanchett à la présidence du jury – la 11e femme à se voir confier cette fonction – permettra au Festival de Cannes de s’inscrire dans une ère post-Weinstein. Mais, comme le rappellent Les Décodeursdu Monde, le festival n’en reste pas moins "un univers très masculin" avec des récompenses majoritairement décernées aux hommes, et par des hommes. Autant dire que le discours d’ouverture de Cate Blanchett, tout comme la sélection des films annoncée en avril, sera surveillé de près.