Pretty Yende s'est produite dans les plus grandes maisons d'opéra, mais rien n'égalera l'expérience qu'elle s'apprête à vivre le 6 mai, lorsqu'elle chantera, devant des dizaines de millions de téléspectateurs, au couronnement de Charles III. "Je compte les heures, j'ai hâte", s'enthousiasme la Sud-africaine de 38 ans qui va chanter à l'abbaye de Westminster une création de la compositrice britannique Sarah Class, "Sacred Fire".
Dans le milieu lyrique, Pretty Yende est depuis une dizaine d'années sollicitée aux quatre coins du monde, du Metropolitan Opera House à l'Opéra de Paris, en passant par la Scala de Milan, les critiques louant son charisme et son timbre lumineux notamment dans le bel canto. "C'est un rêve devenu réalité, j'ai eu peut-être quelques millions de spectateurs durant mes 22 ans de carrière mais comme ça, d'un seul coup, ça ne m'est jamais arrivé", sourit-elle lors d'un entretien à l'AFP par visioconférence.
Née en 1985 dans un township de Piet Retief, ville de l'est dans une Afrique du sud encore sous l'apartheid, la soprano n'en revient toujours pas d'avoir été invitée à chanter au couronnement de Charles III qui l'avait entendue chanter au château de Windsor il y an un an, alors qu'il était encore prince de Galles. Particulièrement sensible à la musique classique, le futur roi "était très chaleureux et avait loué ma voix", se souvient-elle.
"Guérir et réconcilier"
L'invitation est hautement symbolique puisque la soprano affirme être la première chanteuse africaine à chanter en solo à un couronnement de rois et reines d'Angleterre. "Je suis vraiment honorée que ça m'arrive à moi ; les futures générations verront inscrit à cette cérémonie du 6 mai le nom de cette fille venue de la pointe de l'Afrique, à l'invitation du roi lui-même", se réjouit-elle.
À l'annonce de sa participation, quelques voix sur les réseaux sociaux se sont élevées pour l'appeler à boycotter l'évènement en raison du passé colonial du Royaume-Uni en Afrique du sud. "Je prends chaque occasion qui s'offre à moi comme une possibilité de réconcilier, de guérir, d'aimer et d'offrir des rêves pour l'avenir", commente l'artiste qui fait partie d'une génération de chanteurs lyriques africains et afro-américains montés en puissance depuis une décennie. "Nous ne pouvons pas changer le passé mais je crois que chaque génération peut à travers de petites actions donner de l'espoir", ajoute la chanteuse.
Très présente sur les réseaux sociaux, elle avait lancé depuis de nombreuses années les hashtags #Prettyjourney (signifiant à la fois le voyage de Pretty et beau voyage)", et #PrettyArmy en référence à ses nombreux fans ; elle y partage souvent des citations "feel good" pour se donner du courage et inspirer ses followers. "Je sais que ma vie ne sera plus la même" après la cérémonie, dit la chanteuse à l'enthousiasme débordant.
Partager son art
Mais à ses yeux, le plus important reste de partager son art avec le plus grand nombre. Ayant grandi au sein d'une famille croyante, elle avait commencé à chanter dès l'âge de cinq ans, entre chants traditionnels zoulous sur le chemin de l'église et les gospels de la chorale. Mais c'est après avoir vu une publicité de British Airways utilisant le célèbre "Duo des fleurs" de Lakmé --l'opéra de Léo Délibes--, qu'elle est tombée amoureuse du chant lyrique.
"L'opéra est un cadeau pour l'Humanité ; cet art a quelque chose de divin aussi, donc ça doit être partagé", souligne Pretty Yende qui espère que son interprétation attisera la curiosité des gens pour le lyrique. Pretty Yende ne sera pas la seule star de l'opéra à chanter au couronnement : le baryton-basse gallois Bryn Terfel chantera la toute première création musicale en langue galloise pour un couronnement.