Emmanuel Macron a rendu hommage à Johnny Hallyday samedi. Dans un discours, tenu devant l'église de la Madeleine, le président de la République a indiqué que le rockeur décédé "était une part de nous-mêmes, une part de la France". Retrouvez ci-dessous le verbatim intégrale de ce discours :
"Mes chers compatriotes.
Vous êtes là pour lui, pour Johnny Hallyday. Près de 60 ans de carrière, 1.000 chansons, 50 albums et vous êtes là, encore là, toujours là. Je sais que vous vous attendez à ce qu’il surgisse de quelque part. Il serait sur une moto, il la lancerait vers vous. Il entamerait la première chanson et vous commenceriez à chanter avec lui.
Il y a celles qu’il vous laisserait chanter presque seul. Vous guetteriez ses déhanchés, ses sourires. Il ferait semblant d’oublier une chanson et vous la réclameriez. Alors il la chanterait. Vers la fin il vous présenterait ses musiciens et vous applaudiriez. Vous applaudiriez plus encore, pour que cela ne finisse jamais.
Et dans un souffle, en n’osant pas vous l’exprimer trop fort, alors là il vous dirait qu’il vous aime. Alors oui, ce samedi de décembre est triste. Mais il fallait que vous soyez là pour Johnny parce que Johnny depuis le début était là pour vous. Dans chacune de vos vies, une de ses chansons a traduit ce que vous aviez dans le cœur : une histoire d'amour, un deuil, une résistance, la naissance d’un enfant, une douleur...
Dans sa voix, ses chansons, son visage, il y avait cette humanité indéfinissable qui vous perce à jour. C’est comme ça que Johnny est entré dans nos vies, par ce blues qui dit nos misères et nos bonheurs, par ce rock qui dit nos combats et nos désirs et pour beaucoup, il est devenu presque indispensable, un ami, un frère.
Je sais que beaucoup d'entre vous depuis quelques jours découvrent une solitude étrange. Mais vous aussi, vous étiez dans sa vie. Vous l’avez vu heureux, vous l’avez vu souffrir. Vous avez aimé ses amours, vous avez vécu ses ennuis et à chaque instant. Vous l’avez vu frôler la mort plusieurs fois, vous avez tremblé pour lui. Et à chaque instant, vous l’avez aidé parce qu’il savait que vous étiez là pour lui.
Vous êtes là avec sa famille : Sylvie Vartan, Laeticia Hallyday… Avec ses enfants David, Laura, Joy et Jade. Avec ses petits-enfants Emma, Ilona et Cameron. Et je n’oublie pas que pour eux, c’est aussi un jour de souffrance intime. Nous vous avons si souvent volé votre mari, votre père, votre grand-père. Aujourd’hui nous devons vous le laisser un peu, parce que ce deuil est d’abord le vôtre.
Nous sommes là avec ses musiciens, ses compagnons de route de toujours. Eux aussi sont déjà un peu plus seuls. Ils chercheront cette énergie qui les portés sur scène. Ils attendront le copain, l’ami, celui dont ils aimaient les longs silences et l’œil qui à un moment sourit. Mais tous, au fond d’eux-mêmes, savent depuis longtemps que Johnny était à vous, à son public, au pays. Parce que Johnny, c’est la vie, dans ce qu’elle a de souverain, d’éblouissement, de généreux. C’était une part de nous-mêmes.
Que ce jeune belge décidant de prendre un nom anglo-saxon soit allé chercher très loin le blues de l'âme noire américaine, le Rock'n Roll de Nashville pour le faire aimer aux quatre coins du pays était hautement improbable et pourtant, c’est un destin français. Mille fois il s’est réinventé mais toujours il a été ce destin. Il a été ce que Victor Hugo appelle "une force qui va".
Il a traversé le temps, les époques, les générations, et tout ce qui divise la société. Et c’est aussi pour cela que nous sommes ensemble aujourd’hui, c’est aussi pour cela que je m’exprime devant vous. Parce que nous sommes un peuple uni autour d’un de ses fils prodigues. Et parce qu’il aimait la France, parce qu’il aimait son public, Johnny aurait aimé vous voir ici.
Il ne savait pas vraiment exprimer ce qu’il voulait, il préférait les silences. Il chantait les mots, les chansons des autres. Il se brûlait au contact du public dans la ferveur de la scène et il s’offrait terriblement, furieusement, à vous. Il aurait pu tomber cent fois mais ce qui l’a tenu, ce qui souvent l’a relevé, c'est votre ferveur, c’est l’amour que vous lui portez. Et l’émotion qui vous réunit aujourd’hui lui ressemble : elle ne triche pas, ne pose pas, elle emporte tout sur son passage.
Elle est de ces émotions qui font un peuple. Parce qu’il était une part de notre pays. Parce qu’il était une part que l’on aime aimer. Pour que le feu ne s’éteigne pas, pour qu’il ne meurt jamais, je vous propose d’applaudir Monsieur Johnny Hallyday."