Cinq ans après The Square, le Suédois Ruben Östlund a raflé samedi une deuxième Palme d'or au 75e Festival de Cannes avec Sans filtre, satire jouissive des super-riches et du luxe, sans conteste le film le plus divertissant de la compétition. Euphorique sur la scène du Grand théâtre Lumière, le Suédois à l'humour grinçant rejoint, à 48 ans, le club très fermé des doubles palmés, parmi lesquels les frères Dardenne et Ken Loach. "Tout le jury a été extrêmement choqué par ce film", a annoncé Vincent Lindon, le président du jury. "Lorsque nous avons commencé ce film, nous n'avions qu'un but : essayer de faire un film qui intéresse le public et qui le fasse réfléchir avec provocation", a déclaré le Suédois, en recevant son prix.
Sans filtre suit l'aventure de Yaya et Carl, un couple de mannequins et influenceurs en vacances sur une croisière de luxe. Un voyage qui tourne à la catastrophe. Dans une sorte de Titanic inversé, où les plus faibles ne sont pas forcément les perdants, le film décortique les ressorts de classe de fond en comble : les riches contre les pauvres, mais aussi les hommes contre les femmes, et les Blancs contre les Noirs. Le réalisateur livre une critique sans concession du capitalisme et de ses excès.
Östlund dissèque les conventions sociales
Élevé par une mère communiste, se définissant lui-même comme "socialiste", le Suédois n'a pas cédé à la facilité de "décrire les riches comme méchants" mais plutôt à "comprendre leurs comportements", dit-il. Après Play (2011), Snow therapy (2014) et The Square (2017), Ruben Östlund continue de disséquer les conventions sociales, les petites lâchetés et les dilemmes moraux.
Dans Sans filtre, le casting est anglophone : Östlund a mélangé nouveaux venus (la mannequin sud-africaine Charlbi Dean, notamment) et acteurs confirmés, comme l'Américain Woody Harrelson. Ce dernier excelle comme capitaine en roue libre, laissant son bateau chavirer pendant qu'il boit.