La troisième saison de Baron Noir, la série Canal + sur la politique française, revient lundi soir. Et pour les plus pressés, elle est déjà accessible sur la plateforme My Canal. Dans cette série, Kad Merad incarne Philippe Rickwaert, ancien député maire de Dunkerque, conseiller politique de l’ombre et faiseur de présidents. Dans les saisons précédentes, il est passé par la case prison pour des malversations financières, sans enrichissement personnel. Ressorti libre et éligible, il se lance désormais dans la course à l’élection présidentielle.
"La mondialisation est aussi politique"
Depuis sa création en 2016, la série a basé son succès sur sa ressemblance avec la vie politique française réelle. "Il y a obligatoirement un peu d’exagération, explique Eric Benzekri, co-auteur, concepteur de la série et ancien conseiller socialiste, invité de Philippe Vandel. "Mais sur le fond, on n’est pas très loin. Le pitch c’était Les Soprano à la Maison Blanche, cette saison 3 se base plus sur de la dystopie : comment on va s’en sortir ?"
Dans cette saison, coécrite avec Raphaël Chevènement, Thomas Finkielkraut et Olivier Demangel, les scénaristes traitent aussi de la mort en politique. "C'est un bon ressort narratif", souligne Eric Benzekri, "En politique il y a toujours un petit doigt qui bouge encore comme Terminator. Regardez Trump : personne n’aurait misé sur lui, ou Beppe Grillo, en Italie. Il faut bien regarder ce qu’il se passe, cela va très vite."
Une alliance entre extrême-gauche et extrême droite ?
"La mondialisation est aussi politique", ajoute-t-il. "Le retour de la violence et la re-politisation, cela se vit dans les autres pays." Le Baron Noir saison 3 met en scène une alliance entre les extrêmes. François Morel incarne Michel Vidal, leader de la gauche radicale aux allures de Jean-Luc Mélenchon, et Patrick Mille joue le rôle de Lionel Chalon, président du Front national (FN). Une prévision en vue de la prochaine élection présidentielle de 2022 ? "Il peut y avoir d'autres formes de rapprochement, mais pas entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen", analyse Eric Benzekri, qui se défend cependant de jouer les "Madame Irma".
La série charge aussi, sur le ton de la satire, le mouvement la France Insoumise, baptisée "Debout le peuple". Dans une scène, le leader du mouvement, Michel Vidal, déclare même "Debout le peuple, c'est moi !". Une référence à la perquisition menée dans les locaux de la France Insoumise, pourtant anticipée par le scénario. "Nous avions écrit cette scène avant la perquisition. Dans la série, le parti repose sur un leader, mais c'est vrai pour beaucoup de mouvements politiques actuels." Eric Benzekri prend plaisir à rebondir sur les contradictions des partis politiques, entre volonté de démocratie absolue mais manque de démocratie en interne. "Mitterrand voulait changer la Vème République, mais il ne l’a pas fait, il est même devenu monarque", rappelle le scénariste.
La référence aux "gilets jaunes"
Au moment du tournage de la série, le mouvement des "gilets jaunes" était en pleine explosion. "Cela m’a occasionné pas mal de réveils nocturnes", confie le scénariste. "Je me demandais si la série n’était pas dépassée par la réalité. C'est difficile parce que l'écriture de Baron Noir est presque en concurrence avec le monde politique réel." Dans cette troisième saison, le personnage d'un YouTubeur qui surgit et casse tout le jeu politique réel est largement inspiré des vidéos virales publiées par les "gilets jaunes" comme Jacqueline Mouclaud. "L’époque a changé. On assiste à une zone de frottement entre la démocratie représentative classique et la démocratie des réseaux sociaux, avec le surgissement de la parole publique de milliard d’individus dans le monde."
Une série réaliste sur le monde politique et ses cabinets noirs qui séduit : elle est distribuée dans 80 pays du monde, notamment aux Etats-Unis, en Espagne ou encore en Angleterre. "Une saison 4, c'est en débat dans ma tête. Il faut d'abord savoir si cela serait pertinent", glisse Eric Benzerki.