Après avoir glané la récompense suprême pour ses deux précédents longs-métrages, "Le ruban blanc" (2009) et "Amour" (2012), Michael Haneke tentera la passe de trois avec "Happy End". Mathieu Kassovitz et Isabelle Huppert, qui jouent tous les deux dans le film, ont répondu aux questions d'Europe 1.
Mathieu Kassovitz, vous êtes aussi réalisateur. Comment dirige Haneke ? Comment s’est passé le tournage ?
Mathieu Kassovitz : Il dirige en donnant beaucoup de liberté parce que je pense qu’à partir du moment où il a choisi son acteur, il lui fait confiance. Il a une vision de son film dans laquelle nous devons nous inscrire. On comprend la mission qu’on a de lui rendre justice et de donner forme à sa vision. C’est un vrai réalisateur de cinéma, pur, c’est-à-dire sans aucun artifice. Il va à la recherche de sa vérité. On a besoin d’être des éponges.
Isabelle Huppert : Il ne dirige pas vraiment Haneke… Il ne va pas vous donner des indications sur le personnage que vous devez jouer. Il laisse les acteurs s’emparer de leur personnage. Ils ont d’ailleurs à peine l’impression qu’ils jouent des personnages. Il est hostile à ce que l’on appelle la "psychologie". Les personnages se fabriquent par les actions qu’ils font et par les états dans lesquels ils sont de par les situations qu’il décrit.
Mathieu Kassovitz : Sa direction d’acteurs fonctionne avec sa mise en scène.
On a l’impression que vos personnages essayent de sauver la face de cette famille.
Isabelle Huppert : Oui, c’est dans le jeu de faux semblants qui anime cette famille…
Mathieu Kassovitz : Si on devait faire une analogie, on pourrait que les membres de cette famille sont les politiciens de notre société, c’est-à-dire ceux qui essaient de faire croire à tout le monde que tout va bien.
Isabelle Huppert : Ils sont un peu "sourds et aveugles" du reste de la société.
C’est une belle famille de névrosés… on ne rigole pas beaucoup au sein de cette famille !
Isabelle Huppert : Michael Haneke excelle pour montrer cette violence sourde. C’est le maître du hors-champ. Il nous montre la partie immergée de l’iceberg. Il y a une extraordinaire violence dans la manière qu’il a de montrer les choses. Et en même temps cette violence n’est jamais frontale, elle n’est jamais décrite. Il nous l’a démontré pas mais il nous la fait ressentir.
Evolution dans sa noirceur ?
Pas spécialement, les premiers films de Haneke n’étaient pas non plus optimistes. Dans ce film, il y a peut-être encore plus d’humour et d’ironie.
Cannes ?
Mathieu Kassovitz : Que de bons souvenirs. Quand on dit que Cannes est la vitrine du cinéma mondial, c’est vrai. Aujourd’hui encore plus qu’avant. Le cinéma a tellement évolué. Il y a très peu de place pour ce style de cinéma. Par exemple Michael Haneke a à tout prix besoin de Cannes pour exister parce que le marché du film est tellement difficile, le spectateur va chercher la facilité. Ici, à Cannes, on trouve des films moins faciles. On a absolument besoin que ça continue.
Le choix de vos films Isabelle Huppert fait que vous êtes souvent à Cannes…
Oui, et comme le dit très justement Mathieu Kassovitz, Cannes reste un endroit très privilégié pour montrer une certaine cinéphilie, une ferveur, une curiosité…On peut montrer