Le Soldat inconnu et la flamme du souvenir, un siècle d’histoire

Le 11 novembre 1918, à 5h45 du matin, la signature de l'armistice met fin à la Première Guerre mondiale. Les hostilités cessent le même jour à 11h. La France croule sous le poids de ses morts. "1 400 000 soldats, c'est une hémorragie. On a des morts dans toutes les familles, c'est une épreuve inimaginable" rappelle Jean-Yves Le Naour, historien spécialiste de la Grande Guerre, invité d'Au cœur de l'Histoire. "Et la guerre est toujours présente dans la rue, à travers les gueules cassées et les amputés".  

L’idée d’honorer un soldat inconnu apparaît pendant le conflit, en 1916, "à l'initiative de François Simon, le président du Souvenir Français une association qui a été fondée pour honorer les morts de la guerre de 1870". Le projet tombe dans l’oubli, jusqu’en octobre 1920. "On apprend que la Grande-Bretagne va inhumer un "Tommy" inconnu dans l'abbaye de Westminster, là où on enterre les rois. Les Français réagissent, l'orgueil national piqué au vif de se faire piquer l’idée". Sous la pression de la presse et des anciens combattants qui demandent d’imiter les Britanniques, le gouvernement finit par accepter l’idée du Soldat inconnu.   

Neuf soldats anonymes exhumés 

"Tout s'est fait de façon précipitée, entre le 8 et le 11 novembre 1920" raconte Jean Yves Le Naour. "On a exhumé neuf poilus de neuf champs de bataille différents. Il fallait absolument qu'il n'y ait aucun signe distinctif, que ce soit un poilu tout à fait anonyme, et on les a rassemblés dans la citadelle de Verdun". Auguste Thin, un jeune poilu, est chargé de désigner le cercueil qui sera inhumé à Paris. 

L’Arc de Triomphe est aussi un choix de dernière minute, "les premières propositions, c'était au Panthéon et jusqu'au 4 novembre 1920, 7 jours avant l'inhumation, on parle encore du Panthéon. Une campagne se met en place à l'initiative de la droite dure qui refuse le Panthéon, trop marqué à gauche. « L’immonde » Zola de l’affaire Dreyfus y a été inhumé en 1908" précise Jean-Yves Le Naour. Lieu ouvert, l’Arc de Triomphe a une charge symbolique extrêmement forte : c’est sous l’arche que les armées victorieuses défilent. "Le Soldat inconnu, c’est le poilu victorieux qui ferme l'Arc de Triomphe. On y a mis une tombe, on n'y défilera plus jamais parce qu'il n'y aura plus jamais de guerre. C'est le mort qui est mort pour tuer la guerre" explique Jean-Yves Le Naour dans Au cœur de l’Histoire.  

Une flamme éternelle quotidiennement ravivée depuis un siècle 

La flamme qui accompagne le Soldat Inconnu arrive plus tard, en 1923. L’idée vient d'un journaliste, Gabriel Boissy. "Il rentrait tard du journal dans la nuit et voyait cette tombe isolée, abandonnée. Le symbole n’était pas achevé" retrace Jean-Yves Le Naour. 

On installe donc à côté de la "dalle glaciale" un bouclier renversé en bronze couvert de glaives, avec en son centre la bouche d’un canon d’où sort la flamme. Elle est allumée pour la première fois à 18 heures le 11 novembre 1923 par André Maginot, ministre de la Guerre et des Pensions. Censée être éternelle, la flamme est quotidiennement ravivée lors d’une cérémonie officielle qui n’a jamais cessé depuis, même sous l’Occupation.