"A l’ère du superfan du XXIème siècle, aucun groupe n’est plus emphatique, organisé et passionné que les fans de Michael Jackson", écrivait récemment le New-York Times, et les équipes de Leaving Neverland sont en train de l’apprendre à leurs dépens. Alors que le documentaire événement, qui accuse à nouveau "le roi de la pop" de pédophilie, a été diffusé aux États-Unis et le sera dans deux semaines en France, les admirateurs du chanteur se démènent pour défendre l’image de leur idole et tenter de décrédibiliser les témoignages.
Deux témoignages clés. Dans le documentaire qui agite le monde de la musique depuis sa projection le 25 janvier au festival de Sundance, deux victimes présumées de Michael Jackson reviennent avec précision sur les agressions sexuelles et viols dont ils disent avoir été victimes de la part du chanteur dans sa propriété de Neverland. James Safechuck, 41 ans, et Wade Robson, 36 ans avaient rencontré l’artiste en 1987 alors qu’ils n’étaient âgés que 10 et 7 ans. Les deux hommes racontent également comment Michael Jackson avait fait pression sur eux pour qu'ils ne révèlent rien de leur relation. "C'est comme ça qu'on se montre que nous nous aimons", expliquait Jackson à Wade Robson, indique ce dernier dans le documentaire. "Il m'a dit que s'ils découvraient ce que nous faisons", se rappelle-t-il, "lui et moi irions en prison pour le restant de nos vies."
Un hashtag #MJInnocent. Aux États- Unis, Leaving Neverland a été diffusé en deux parties les 3 et 4 mars. Et avec 1,3 millions de téléspectateurs pour la première partie, HBO s’est offert un carton d’audience. Mais, déjà échaudés par le battage médiatique autour du film depuis le buzz de Sundance, les fans se sont déchaînés sur les réseaux sociaux, autour du hashtag #MJInnocent. "Michael a été victime d'accusations fausses presque toute sa vie, venant de vautours avides d'argent ou de gloire. Il n'y a rien de changé", a notamment tweeté la musicienne Arika Kane. De son côté, Zachary Jaydon, un musicien, a raillé "les victimes les plus ridiculement non-crédibles que le monde ait jamais vues".
To those trying to paint supporters of Michael as delusional or ignorant, It is simply passion for the truth. REMINDER: Michael was a victim of false accusations most of his life by money or fame hungry vultures. This is no different. #LeavingNeverland#MJInnocent#ProvenInnocent
— Arika Kane™ (@arikakane) 4 mars 2019
Trash MOCKumentary, from a trash director, trash producers, and the most ludicrously untrustworthy “victims” the world has ever seen. Does Part 3 interview anyone else that could be deemed credible? #MJInnocentpic.twitter.com/mz7gQJeFy4
— Zachary Jaydon (@ZacharyJaydon) 4 mars 2019
Alors que la diffusion sur HBO était suivie d’un entretien des deux victimes présumées avec la célèbre présentatrice de talk-show Oprah Winfrey, l’animatrice a elle-même été la cible de nombreux messages injurieux sur les réseaux sociaux. Et du côté de l’équipe du film, on mentionne également cette agressive levée de bouclier. "Ils sont dans le dévouement aveugle. C’est presque comme un culte religieux", a commenté Dan Reed, le réalisateur du documentaire. Une manifestation a même eu lieu au Royaume-Uni, où des dizaines de fans se sont réunis devant le siège de la chaîne Channel 4, qui diffusait le film le 6 mars.
LIVE: Michael Jackson fans protesting outside Channel 4 #MJInnnocentpic.twitter.com/eVFTdqMC3S
— #MJINNOCENT (@MJStarOfficial) 6 mars 2019
Les fans français s'organisent. En France, le documentaire doit être présenté sur M6 jeudi 21 mars. Mais dans l’hexagone, les admirateurs du chanteur ferraillent déjà contre sa diffusion. 70 personnes ont saisi le CSA, et la chaîne est assaillie de courriers.
Au cœur de la stratégie de contre-attaque médiatique en France, le collectif MJFactuel. Ce groupe, qui rassemble des youtubeurs et sites de fans de France et de Belgique diffuse notamment à la presse un "kit de défense de Michael Jackson" composé de 11 documents, explique Le Figaro. Selon le quotidien, le collectif serait en relation avec les représentants américains de la succession de la pop-star.
"Une avalanche d'accusations à sens unique". "Nous voulons à tout prix éviter de revivre l’atmosphère des procès de 1993 et de 2005 où les journalistes avaient d’emblée pris parti contre Michael Jackson", explique au Figaro François Guerrini du site MJ France. Et les associations de fans s’attaquent notamment à la fiabilité des récits des deux principaux protagonistes du documentaire, en prenant soin de rappeler que Wade Robson avait témoigné à plusieurs reprises en faveur du chanteur qui fut acquitté en 2005 des accusations portées contre lui par un adolescent de 13 ans lors du procès pénal, dix ans après avoir conclu une transaction à l'amiable avec la famille de ce dernier.
Interrogé par le Parisien, François, un fan, dénonce par exemple "une avalanche d’accusations à sens unique faite sans contreparties, sans analyses, sans spécialistes, sans professionnels de la criminalité enfantine". Dans le kit de MJFactuel, figure aussi une lettre adressée à M6, dont des extraits ont été dévoilés dans l'émission Quotidien, et dans laquelle le collectif interroge la chaîne en ces termes : "Allez-vous parler de l’enquête du FBI et de ses résultats qui confirment qu’aucune preuve contre lui n’a été trouvée ? (…) "allez-vous parler du jugement de 2005 et des déclarations de son innocence par la justice américaine sur pas moins de 10 chefs d’accusation ?".
M6 prévoit un débat après le documentaire. Résultat ou non de la pression des fans, M6 a annoncé quelques mesures avant la diffusion de Leaving Neverland rapporte Le Parisien. Le film devrait être déconseillé au moins de 12 ans, et la chaîne prévoit un débat après le documentaire pour "rééquilibrer" le film. Pas de quoi calmer la gronde du collectif MJ factuel, qui écrit sur le site MJFrance : "après environ trois heures d’images accusatoires dans un documentaire à charge ne proposant aucune présomption innocence, comment un débat de 30 minutes peut essayer de faire en sorte que la balance de la justice soit équilibrée ?".