Nelson Mandela aurait eu 100 ans la semaine prochaine. À cette occasion, Jean Guiloineau, écrivain, traducteur et biographe publie jeudi les Lettres de prison de Nelson Mandela (éditions Robert Laffont). Il y présente au micro d'Europe 1 un homme qui n'a cessé de lutter pendant sa détention.
Des lettres à retrouver auprès des correspondants. Cet ouvrage rassemble des lettres que l'ancien président d'Afrique du Sud a envoyées depuis sa cellule de Robben Island entre le 5 août 1962 et le 11 février 1990. Ces 255 courriers ont nécessité dix ans de travail pour les retrouver et les ordonner.
"Les lettres ont été découvertes chez les différents correspondants, les amis, la famille. Mais dès son arrivée en prison, il prend en double dans un carnet toutes les lettres qu'il envoie", raconte Jean Guiloineau. Grâce à ce système de copies, il pouvait réécrire certaines lettres auxquelles il n'avait pas eu de réponse.
Des lettres à sa famille, ses amis et les autorités. Et parmi toutes ces lettres, il a fallu choisir celles qui seraient publiées. "Les éditeurs ont fait un travail d'équilibre entre sa famille - ses enfants, Winnie [son épouse] -, ses amis très proches qui sont avocats, médecins, universitaires. Je précise qu'il y a des blancs, des juifs, des noirs, des métisses, des indiens, ce qui veut dire qu'avant la prison, il vivait dans une société qui ignorait l'apartheid. La troisième partie des lettres est adressée aux autorités de la prison : directeur de l'administration pénitentiaire, ministre de la Justice et même le président de la République", détaille le biographe.
L'écriture comme moyen de lutte. Comme tous les prisonniers, Nelson Mandela n'avait le droit d'écrire qu'une lettre tous les six mois, au moins les premières années, et ces lettres étaient passées à la censure. Une méthode moquée par le détenu dans l'une de ses lettres au directeur de sa prison. Il lui demandait à ce que les censeurs aient un niveau culturel plus élevé car ils censuraient des textes en anglais et en afrikaans qu'ils ne comprenaient pas, d'après lui. Pendant ses 10.052 jours de détention, Nelson Mandela avait fait de l'écriture un moyen de lutte.
"Il a toujours pensé qu'il avait raison, qu'il était dans le sens de l'histoire et il n'a jamais perdu cette certitude", rapporte Jean Guiloineau. "Il n'a jamais perdu non plus sa dignité. Nelson Mandela n'est pas un prisonnier, mais un futur dirigeant politique qui lutte à l'intérieur de la prison avec ses camarades. Il va même écrire clandestinement une biographie, qui sera publié beaucoup plus tard à sa libération, et que d'autres prisonniers recopient en caractères minuscules sur des petits papiers qu'ils font sortir. Cela a été une forme de lutte de tout le groupe et de Mandela lui-même."