Beaucoup s'y essaient, peu réussissent. Tout l'enjeu, pour les séries qui dépassent les deux saisons, est de tenir le rythme (et la qualité). Depuis sa première diffusion en 2013 sur la BBC (2015 en France), Peaky Blinders a prouvé qu'elle était l'une des rares productions à tenir toujours ses promesses, voire à se surpasser. Alors que la cinquième saison vient de sortir sur la plateforme Netflix, et sera diffusée sur Arte le 24 octobre, la création de Steven Knight, qui met en scène un gang mafieux de Birmingham entre les deux guerres, amorce un virage audacieux. De série de mafia, elle se mue peu à peu en série politique.
Le fascisme, nouvel ennemi des Peaky Blinders
Cette tournure ne surprendra pas ceux qui avaient déjà suivi la (très bonne) saison 4. À la fin, le chef du gang des Peaky Blinders, Thomas Shelby, se présentait à la députation et se retrouvait élu grâce à des méthodes héritées de ses années de larcins (le bourrage d'urnes, donc). Nous sommes désormais, au début de la saison 5, en 1929. Parallèlement aux activités mafieuses qui ont pris du plomb dans l'aile au moment du krach boursier, le clan Shelby gère la carrière de sa tête de gondole, qui siège avec les travaillistes à la Chambre des communes. Carrière forcément heurtée pendant ces années 1930 qui voient monter les accents du fascisme partout en Europe.
Jusqu'ici, toutes les saisons de Peaky Blinders étaient bâties sur le même principe (plutôt efficace) : confrontés à un gang rival, les Shelby finissaient par s'en défaire avec plus ou moins de panache et de pertes humaines, chaque victoire s'accompagnant pour ce clan d'origine tzigane d'une progression dans l'échelle sociale. La véritable force de la saison 5 est de mettre Thomas Shelby face à un adversaire d'un genre nouveau. Oswald Mosley, fondateur du parti fasciste britannique, à qui l'acteur Sam Claflin prête ses traits, semble ici faire peser une menace infiniment plus grande, plus sourde, que le chef de gang écossais qui va également en faire voir de toutes les couleurs aux Peaky Blinders.
Les crimes et la morale
C'est cette capacité, déjà vue dans la série, d'adosser la fiction (les vrais Peaky Blinders ne se sont jamais lancés en politique) à un contexte historique réaliste qui en fait la force. Si cette incursion du côté de la politique permet quelques clins d’œil (l'apparition de Winston Churchill), des rappels historiques et des parallèles avec l'actualité (le "Britain's first" de Mosley résonnant exactement comme le "America First" de Trump), c'est surtout un moyen d'épaissir encore le personnage de Thomas Shelby, toujours impeccablement interprété par Cillian Murphy.
Le mafieux qui n'a toujours suivi que son intérêt personnel sans compter les cadavres sur sa route se retrouve ici confronté à une possibilité d'action uniquement motivée par la morale. "Tout ce temps, tu as fait des choses qui te faisaient plaisir, parce que tu en avais la possibilité. [Cette fois], tu fais ça parce que tu penses que quelqu'un devrait arrêter [Mosley]. Parce que tu penses que c'est la bonne chose à faire", résume sa femme, Lizzie, dans l'épisode 5. Sûrement faut-il en passer par là pour que ce grand traumatisé de la Grande Guerre arrive à vaincre ses démons. Car c'est là, finalement, que se niche le véritable nœud dramatique de Peaky Blinders : Thomas Shelby va-t-il, au bout des sept saisons promises par Steven Knight, enfin trouver la paix ?