En 2019, à 33 ans, Olivier Rousteing est l’enfant surdoué de la mode, le talentueux directeur artistique de la maison de couture Balmain. Trente-trois ans plus tôt, le 3 avril 1986, il naissait, sous X, dans le sud-ouest de la France. Une naissance qui a placé sa vie sous le signe du paradoxe : elle oscille entre les paillettes, les crépitements des flashs de ses défilés et le silence sur ses origines. Dans un film documentaire, Wonder Boy, Olivier Rousteing, né sous X, en salles depuis mercredi, il a laissé les caméras scruter sa quête identitaire, ses démarches pour retrouver ses parents biologiques. Invité dimanche d’Isabelle Morizet, il a expliqué où il en était dans son parcours.
Des caméras pour aller jusqu'au bout
Avec le film, Olivier Rousteing a cet espoir : "Comprendre l’être que je suis aujourd’hui, en allant chercher mes racines. Mais aussi rencontrer, si je le peux, ou me faire connaître, de mes parents biologiques." Il avait déjà entamé des recherches à 16 ans, "à l’âge légal où je pouvais ouvrir mon dossier", précise-il. Mais il avait reculé à l'époque. "J’avais peur. Aujourd’hui, les caméras, c’était la façon de ne pas rebrousser chemin", explique-t-il.
L’équipe du film l’a ainsi suivi pendant presque deux ans. Dans son quotidien, dans les grands soirs mais aussi notamment dans le bureau du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop) où il a pu ouvrir une enveloppe contenant des informations sur sa naissance, sans que lui soient données les identités de ses parents. C’est ce que a loi exige aujourd'hui, une loi qu’il aimerait voir évoluer. "Faire naître un enfant sous X, c’est comme faire naître un enfant avec honte. Je trouve ça extrêmement dur aussi bien pour l’enfant que pour la femme."
Mais si le contenu de cette enveloppe lui a apporté des réponses, elle a aussi engendré un nouveau lot de questionnements. Il apprend alors que sa maman est Somalienne et que son père est Éthiopien, alors qu’il pensait être métisse. "Ça reste un mystère. Ma mère adoptive m’avait dit que ma mère biologique était très foncée. Les dames de l’orphelinat avaient dit que certainement le père était blanc. J’ai grandi en ayant cette image. Quand on m’a dit que ma mère était Somalienne et mon père Éthiopien, ça a été une nouveauté pour moi, quelque chose dont je suis extrêmement fier aujourd’hui, mais qui a été très troublant."
Une mère très jeune, l'ombre d'un viol
Plus déroutant encore, il apprend également que sa mère avait 14 ans au moment de sa conception quand son père en avait dix ans de plus et qu’elle semblait ne pas bien le connaître. "J’ai ouvert un dossier en pensant que j’allais rencontrer une mère et en fait, je me suis rendu compte que j’étais en train de voir une enfant et ça a complètement changé mon approche. Je pensais trouver des éléments qui allaient me protéger et finalement, je trouve des éléments qui me donnent envie de la protéger, de la prendre dans mes bras, de dire que c’est juste un cauchemar, et je me rends compte que je fais partie de ce cauchemar qu’elle a dû vivre."
Il se pose aujourd'hui une multitude de questions, notamment de savoir s'il était le fruit d'une relation consentie ou non. "Être né d’un viol plutôt qu'être né d'amour, ça change complètement votre perspective de vie. En tant qu’humain, haïr, son père biologique est quelque chose d’assez dur", tranche-t-il. Aujourd’hui, il aimerait rencontrer cette mère qui vit toujours dans le sud-ouest de la France d’après l’administration, qui en sait finalement plus que lui sur sa propre identité. "C’est beaucoup de questions, je n’ai aucune réponse. La seule chose que je veux faire, c’est la remercier pour l’être que je suis devenu."
"M'expliquer le pourquoi de mon abandon"
Il espère aussi qu'elle acceptera de le rencontrer non pas par curiosité pour sa réussite mais pur lui "expliquer le pourquoi de [s]on abandon. Tous les jours où elle se douche, où elle se réveille, elle a une cicatrice (de césarienne, ndlr.) qui lui rappelle qu’à 14 ans, elle a eu un enfant. Cette cicatrice, elle l’a pour toute sa vie et c’est une plaie qui n’est pas refermée." Une rencontre serait, selon lui, "la seule façon de fermer cette blessure et pour moi, d'oublier ou de ne plus parler d’abandon. Ce sera autant bénéfique pour elle que pour moi. Je lui souhaite d’avoir cette force de me rencontrer (…) J’espère qu’un jour, elle dira oui", conclut-il.