Lundi soir à 20h55, France 5 diffuse Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick. Son quatrième long-métrage, avec Kirk Douglas en vedette, dans lequel il dénonce avec véhémence la hiérarchie militaire française pendant la guerre de 14-18.
18 ans d'attente. Virulent film antimilitariste, Les sentiers de la gloire n'aura pas la chance d'être connu des spectateurs français avant 1975, soit 18 ans après sa sortie officielle. Il faut dire que cette histoire d'exécutions arbitraires par la hiérarchie militaire avait de quoi déplaire au gouvernement français, douze ans seulement après la Seconde Guerre mondiale et alors que la France était en plein conflit en Algérie.
Au-delà de la cruauté du conflit guerrier, c'est à l'appareil militaire que s'attaque le cinéaste américain. Lâches, mécaniques et coupés des réalités du terrain, les hauts gradés sont les cibles de la caméra du réalisateur. D'abord déprogrammé en Belgique, le film n'est pas projeté en France. En effet, la pression des politiques français ôte l'envie à la société de distribution (la United Artists) de faire une demande de visa d'exploitation pour l'hexagone.
Travellings et symétrie. Mais si Les sentiers de la gloire mérite la plus grande des attentions, c'est aussi pour apprécier toute la maestria visuelle de Stanley Kubrick. À ce titre, la séquence qui précède l'assaut contre la cote ennemie fait figure d'exemple.
Le film a démarré depuis 25 minutes lorsque le spectateur s'enfonce ainsi dans les tranchées à travers les yeux du colonel Dax (Kirk Douglas). Grâce à un travelling avant, puis arrière - en contrechamp -, on progresse au milieu des soldats, rangés sur chaque côté. L'enchaînement des explosions vient à peine perturber la marche en avant du gradé au milieu des combattants sous son commandement. S'offre alors devant nous l'une des séquences les plus marquantes du film. C'est aussi l'une des premières fois que le cinéaste expérimente ce trait esthétique qui le caractérisera tant : le plan-séquence avant, cadré de manière symétrique. Plus tard, dans Shining ou encore 2001, l'Odyssée de l'espace, Stanley Kubrick usera de ce procédé encore et encore, offrant quelques-unes des plus belles séquences cinématographiques du septième art.