Riad Sattouf a 40 ans. Et le 4e tome de sa série BD L'arabe du futur vient de sortir. L'ouvrage s'est directement placé premier du top des ventes, détrônant l'essai d'Eric Zemmour nommé Destin Français. L'auteur de BD, qui a passé son enfance en Syrie, en Libye et en Bretagne pourrait prendre un air grandiloquent. Il n'en est rien. Quand il rejoint Frédéric Taddéï dans le métro parisien pour l'émission En balade avec, il se met discrètement dans un coin de la rame.
"Appris à m'accepter". C'est peut-être à cause de ce métro qui l'impressionnait tant quand il avait 3 ans. "J'étais ultra fasciné par cet engin, j'avais l’impression que les phares étaient des yeux. Comme ceux d’un serpent." A 40 ans, c'est l'âge lui-même qui l'impressionne. "On est plus du tout jeune", dit-il, lui qui s'est fait spécialiste de raconter l'enfance. "Je n‘ai pas l‘impression d‘avoir quitté ce moment-là. J’en veux à des gamins de 12 ans, ce qui est pathétique", avoue-t-il avant d'expliquer qu'il s'est "vachement pacifié. Longtemps, j’en voulais à une sorte de création de la nature de ne pas avoir fait de moi une sorte de Schwarzenegger naturel. Maintenant, j’ai appris à m’accepter comme je suis."
Pour interdire la chasse. Le duo descend à la station Hôtel de Ville, pour aller au musée de la Chasse et de la nature, rue des Archives, dans le Marais. C'est un endroit qu'il trouve magnifique, bien qu'il n'aime pas les chasseurs modernes. "La chasse, c'est devenu problématique quand c'est devenu un sport. Il y a un moment de bascule où c’est devenu trop facile pour les hommes. Je suis pour interdire la chasse. Je suis à la frontière de ne pas manger d’animaux." Il n'a pas non plus d'animaux de compagnie : "J’aurais trop peur qu’ils meurent et de m’y attacher trop."
"Honte que les gens me regardent dessiner". Dans le musée, installé dans un hôtel du XVIIIe, le parquet grince, pendant que l'auteur se questionne : "Je me suis toujours demandé s’il existait, sur une autre planète, des musées avec des êtres humains empaillés." Dans ce type d'endroits, il observe, ne dessine jamais. "J’ai un peu honte que les gens me regardent dessiner, ça fait type qui essaye de montrer aux autres qu’il dessine", explique-t-il, toujours presque gêné.
Pour expliquer le succès de sa BD, il est pragmatique : "C'est une bonne BD." En sortant du musée, l'auteur revient sur le nom de la série. "Comme tous les enfants, je n'avais pas envie d'aller à l'école. Et mon père me disait 'tu dois aller à l'école parce que l'Arabe du futur va à l'école'. Il voulait que l’Arabe aille vers la modernité pour faire entrer le monde arabe dans le 21e siècle. Mais en même temps, il était superstitieux", raconte le dessinateur, avant d'être interrompu par des voitures de police et des pompiers. Ils doivent changer de trottoir pour un problème de fuite de gaz. "Je n'ai pas fait la Syrie pour mourir dans une explosion de gaz à Paris !", lance Riad Sattouf.
"Je gagne beaucoup plus". L'obstacle contourné, ils se dirigent vers la bibliothèque du Centre Pompidou qui va consacrer une exposition à l'auteur à partir du 14 novembre. C'est la rançon du succès, tout comme l'argent. "Je gagne trois fois plus qu’avant. Ce qui est amusant, c’est que je ne me sens pas spécialement différent. Je suis d’une famille où on a toujours eu des galères d’argent. J’en ai gardé des réflexes", explique-t-il.
Avoir réussi le concours de l'école des Gobelins l'a en revanche convaincu que le dessin était "quelque chose d'estimable", lui qui avait toujours crayonné, "d'abord pour qu'on s'intéresse à moi, enfant. Puis ado, j'ai utilisé le dessin pour m’évader du quotidien, et une fois que je suis devenu adulte, le dessin m'a permis de vivre. J'ai une haute estime de cette activité car ça m’est aussi essentiel que manger ou boire."
L'exposition consacrée à Riad Sattouf aura lieu du 14 novembre au 11 mars à la bibliothèque du centre Pompidou.
Ami avec Emile Bravo. Après un passage à la bibliothèque, c'est au Café Beaubourg que les deux hommes se rendent. Riad Sattouf continue les confidences : "J’ai essayé d’être un sportif, mais je n'étais pas très bon dans la coordination de mes mouvements, j'avais une voix un peu efféminée, beaucoup de mal à être considéré comme un vrai garçon par les autres garçons. Ça m’a éveillé très tôt sur cette espèce d’échelle sur laquelle on est digne d’être un homme ou qu’on aura toujours des efforts à faire." Arrivés au café, ils y retrouvent Emile Bravo, lui aussi auteur. Il est aux commandes de Spirou. "Emile, c'est l'un des premiers que j'ai rencontrés" parmi les auteurs de BD, explique Riad Sattouf. "Il est très encourageant."
En terrasse du Café Beaubourg avec Emile Bravo.
"Optimiste" pour l'avenir. L'ami raconte qu'au départ, Riad Sattouf visait l'héroïc fantaisy, avant de se raviser. "J'avais une attitude trop fan". Le passé évoqué, ils se mettent à parler... du futur. "Je n’aurais jamais pu imaginer quelqu’un comme Donald Trump, je me serais dit que c'était trop ridicule et énorme, trop débile. Le réel, souvent, dépasse la fiction et lui fait beaucoup de mal. Et en même temps, je suis optimiste. L’être humain lutte pour sa survie, ne veut pas mourir, il va découvrir l’immortalité. C’est le chemin que va prendre la science."