Un an après, Suzane sort une réédition de son album Toï Toï, qui l'a révélée auprès du grand public. L'occasion pour la chanteuse d'évoquer l'inspiration de ses textes, engagés et portés par diverses causes comme le féminisme et la lutte contre l'homophobie depuis le début de sa carrière musicale. "Je raconte ce que je vis dans le monde dans lequel je vis", explique-t-elle au micro Europe 1 d'Anne Roumanoff, lundi, oscillant entre lucidité face à la situation actuelle et espoir d'un monde meilleur.
"J'aime mettre des marqueurs"
Dans Toï Toï II, album agrémenté de cinq nouveaux titres, Suzane parle d'écologie, de harcèlement de rue ou encore des attentats. "On vit dans un monde un peu brut", confie la native d'Avignon, aujourd'hui âgée de 30 ans. "On est quand même dans une génération où il se passe beaucoup de choses."
"Je ne dis pas que je ne décris que le sombre de notre société, mais j'aime aussi mettre des marqueurs", poursuit l'artiste, nommée dans la catégorie Artiste féminine de l'année aux prochaines Victoires de la musique. "Edith Piaf, Jacques Brel ou Barbara parlaient aussi de leur époque. Moi, cette époque-là, c'est la mienne. Il y a des crises, tout le temps. Le harcèlement, la condition des femmes, l'homophobie… Ce sont des choses qui me parlent."
Harcèlement, homophobie…
Le féminisme est l'un de ses principaux combats, avec en étendard sa chanson SLT et ses paroles très directes. "Hey salut bonne meuf, t'es vraiment très charmante / Tu sais j'te mangerais pour le 4 heures, t'es si appétissante / J'te ferai pas la bise mais si tu veux on peut baiser / Moi les p'tites meufs comme toi j'en ferai qu'une bouchée." Et derrière ces paroles semble se cacher une légère résignation : "J'ai l'impression qu'on libère notre parole, mais est-ce qu'on est assez écoutées ? Les artistes féminines françaises se sont toutes exprimées là-dessus. Quand on entend La Grenade de Clara Luciani, Balance Ton Quoi d'Angèle ou SLT que j'ai pu écrire… Chacune, on a une manière d'emmener ce sujet, de le traiter", décrit la chanteuse, par ailleurs engagée au sein du collectif féministe Nous Toutes.
Pour celle qui a quitté un emploi de serveuse dans un restaurant montpelliérain en 2014 pour tenter sa chance à Paris, la lutte contre l'homophobie est aussi l'un des combats à porter au travers de la musique. En témoigne son titre P'tit Gars : "Imaginez le fils prodige est un homo / Ils te regardent tous comme inconnu / Planté là dans le salon / "Alors c'est toi qui fait la fille ou le garçon ?" / T'es gêné, t'as capté dans les yeux de ta mère / Qu'elle se demande ce qu'elle a pu loupé pour faire un fils pédé." "Elle a été dure pour moi à écrire, cette chanson, parce que je savais qu'elle était importante", relate la chanteuse, émue, sur Europe 1. "Je savais que pour ce p'tit gars qui allait m'écouter, il fallait que je sois aussi puissante que la douleur qu'il peut ressentir quand il se sent seul."
Un constat sombre, mais pas de pessimisme pour autant, malgré une période plus propice que jamais au découragement : "C'est un espoir, le monde d'après. Est-ce qu'on va se serrer les coudes pour un monde meilleur ? On peut y arriver", croit-elle.