L'optimisme des dirigeants de Bankia n'a pas convaincu les marchés. L'action de la quatrième banque espagnole, qui a demandé vendredi une aide publique record, chutait de près de 27% à la reprise de sa cotation, lundi matin à la Bourse de Madrid. Carrément bloqué pendant 20 minutes après l'ouverture du marché en raison d'un trop grand volume d'ordres de vente, le titre a terminé la journée en recul de -13,38%. Europe1.fr établit le diagnostic d'un géant de la finance ibérique en état critique.
De combien d'argent exactement a besoin la banque ? Bankia a demandé vendredi à l'Etat espagnol une aide de 19 milliards d'euros. Mais la banque, nationalisée le 9 mai dernier, avait déjà reçu des pouvoirs publics la garantie d'un versement de 4,5 milliards. L'État espagnol va donc devoir trouver au total 23,5 milliards d'euros pour venir à son secours.
Il s'agit du plus gros sauvetage bancaire de l'histoire de l'Espagne. "C'est un chiffre astronomique qui s'approche de ce que dépense annuellement l'Etat en éducation, en intérêts de la dette ou en allocations chômage", s'inquiétait un édito daté de samedi du quotidien espagnol El Mundo.
Pourquoi Bankia a-t-elle besoin de cet argent ? La banque souffre notamment de sa trop forte exposition au marché immobilier espagnol, qui s'est effondré depuis la crise de 2008. "Les 19 milliards serviront justement à assainir le portefeuille immobilier et l’ensemble des crédits, ainsi qu’à la révision de la valeur des actifs immobiliers et des participations industrielles du groupe, décrypte La Tribune. La banque a revu ses comptes de 2011 dont la première version n’avait pas été ratifiée par son auditeur. La différence est abyssale : de 309 millions d’euros de bénéfice (annoncé), Bankia a reconnu avoir en fait enregistré des pertes de 2,9 milliards d’euros."
Comment l'Etat espagnol va-t-il trouver l'argent ? La tâche paraît impossible pour l'Espagne seule. Le pays possède déjà un instrument de recapitalisation des banques, à savoir le Frob créé en 2009. Mais celui-ci n'a plus que 4 à 5 milliards d'euros de liquidités, selon le ministère espagnol de l'Economie. "Il peut certes s'endetter jusqu'à 90 milliards d'euros avec la garantie de l'Etat mais les conditions de marché rendent cette option très délicate. Pour s'endetter sur 10 ans, l'Espagne doit actuellement s'acquitter d'un taux d'intérêt dépassant les 6%", précise à ce sujet le journal Les Echos.
Le pays songerait également à injecter les 19 milliards sous forme de dette publique. " Cette solution aurait l'avantage de ne pas nécessiter d'émission sur les marchés, mais l'inconvénient de diminuer la confiance des investisseurs envers le Trésor espagnol, analyse le quotidien économique. Tout dépendra de l'évolution de la prime de risque (le surcoût que doit payer l'Espagne pour s'endetter par rapport à l'Allemagne) d'ici à l'injection de capital, qui doit se faire en juillet."
Mais le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a reconnu lundi que, pour le pays, "il était très difficile de se financer avec la tension actuelle des marchés".La question est d'autant plus compliquée que l'Espagne a déjà prévu de renflouer les caisses de trois autres banques, à auteur de 30 milliards d'euros : CatalunyaCaixa, NovacaixaGalicia et Banco de Valencia.
Selon El Mundo, le gouvernement étudierait la question de faire appel à une aide extérieure, comme celle du Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou du FMI. Une information pour le moment démentie par l'exécutif ibérique.
Y a-t-il un risque pour la France ? Bankia est une banque systémique : elle est donc financièrement liée aux autres banques de la planète. "Elle est trop grosse pour faire faillite sans risque de faire sauter le système mondial", assure au JDD Philippe Dessertine, directeur de l'Institut de haute finance. Ce dernier craint, avec la crise Grecque et le cas Bankia, que les bourses ne cessent de tomber, et que les actionnaires des banques continuent de perdre de l'argent. Il redoute également un gel de la circulation de liquidités en Europe.
"En revanche, les clients des banques, ceux qui disposent de comptes courants ou de comptes d'épargne, n’ont pas à craindre pour leurs dépôts, se veut-il rassurant. Ils sont garantis à hauteur de 100.000 euros et en cas de tsunami financier, l’État apportera sa garantie aux particuliers."