Initialement, les Européens avaient prévu de parler de l’union de l’énergie, de prévisions de croissance et de crise ukrainienne. Mais le Conseil européen qui se tient jeudi et vendredi à Bruxelles pourrait devoir se pencher sur un tout autre sujet : la Grèce. Athènes risque en effet de se trouver à nouveau à sec à la fin du mois et tente de convaincre ses créanciers, principalement les membres de la zone euro, de lui verser l’aide promise. Sauf que l’UE attend toujours que le gouvernement d’Alexis Tsipras engage les réformes prévues, un bras-de-fer qui ne cesse de se répéter et suscite des déclarations emportées.
Où en est la Grèce aujourd’hui ? A peu près dans la même situation que lors des dernières négociations avec le reste de la zone euro, qui se sont conclues le 24 février : Athènes doit bientôt rembourser des emprunts mais n’a pas assez d’argent pour le faire tout en continuant à honorer ses dépenses quotidiennes. Elle doit par exemple rembourser vendredi 340 millions d’euros au FMI. La Grèce demande donc à la zone euro de poursuivre son plan d’aide, et c’est là que les choses se compliquent : l’Europe refuse de le faire tant que la Grèce ne se sera pas réformée, mais la mutation est ralentie par le changement du gouvernement à Athènes.
Fin février, Grecs et Européens se sont donc mis d’accord sur une ligne de conduite : le programme d'aide dont bénéficie Athènes sera prolongé de quatre mois uniquement si la Grèce mène des réformes qui respectent l’équilibre budgétaire prévu. Et le contenu de ces réformes devra être présenté au reste de l’Europe avant que celle-ci ne prolonge son plan d’aide, un prêt d’environ 7 milliards d’euros. Les discussions actuelles sont donc censées porter sur le contenu de ces réformes, sauf que le débat est devenu plus politique que technique.
Le retour des petites phrases. Après trois semaines d’accalmie, le ton est remonté d’un cran dès lundi, après les propos attribué par la presse allemande au président du Parlement européen, Martin Schulz. Ce dernier aurait confié que "Tsipras a urgemment besoin d'argent" et risque de ne pas pouvoir payer ses fonctionnaires à la fin du mois. Le premier ministre grec n’a pas tardé à répliquer, assurant que son pays n'avait "aucun problème de liquidités".
Les accrochages verbaux ont repris dès lundi soir, lorsque le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a affirmé : "jusqu'à présent, personne n'a compris ce que voulait finalement le gouvernement grec. (…) C'est ça le tragique de la situation en Grèce, c'est que les élites ne disent pas tout à fait la vérité à leur peuple". Pour ne rien arranger, Athènes a de son côté annoncé qu’elle allait mener un audit pour déterminer si sa dette peut être jugée illégale, et donc ne pas être remboursée.
Un scénario vécu par certains de ses créanciers comme une nouvelle provocation, si bien que Pierre Moscovici a haussé à son tour le ton mercredi : "l'Eurogroupe a la ferme intention de garder la Grèce dans la zone euro (mais) pas à n'importe quel prix", a prévenu le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires. Ce à quoi Alexis Tsipras a répondu mercredi : "certains technocrates essaient de nous effrayer avec des ultimatums", et d'affirmer que son gouvernement n'avait "pas peur" des "menaces".
Vers une réconciliation mais le malentendu persiste. Pour stopper cette escalade verbale, Alexis Tsipras a parallèlement entamé une opération réconciliation : il a demandé à rencontrer les principaux dirigeants européens jeudi, juste avant le Conseil européen. Sans oublier sa rencontre avec Angela Merkel, lundi à Berlin, censée aplanir des relations exécrables entre les deux pays : la Grèce réclame depuis peu à Berlin des dommages pour la seconde guerre mondiale et menace même de saisir les biens détenus dans la péninsules hellénique par des Allemands.
Mais le fond du problème risque de rester inchangé : lundi, le Premier ministre grec a annoncé qu’une solution "politique" serait trouvée rapidement. Sauf que pour les créanciers de la Grèce, le problème est surtout comptable : Athènes doit trouver des recettes budgétaires mais a commencé par voter mercredi un paquet de réformes pour traiter l’urgence sociale, synonymes de nouvelles dépenses. Dans le même temps, la réforme fiscale promise est toujours dans les cartons, alors que l’Etat récolte de moins en moins d’impôts. Les négociations entre Bruxelles et Athènes sont donc loin d’être terminées et promettent de nouveaux regains de tension, une instabilité dont se sont déjà emparés les marchés : mercredi en milieu de journée, la Bourse d'Athènes dévissait de plus de 4%..
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