Grèce : l’Europe commence à perdre patience

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J-4 - La prochaine réunion de l’Eurogroupe approche mais plus personne ne croit à un déblocage du dossier grec.

Le dossier grec ressemble de plus en plus à "Un jour sans fin" : à chaque fois qu’une réunion approche, le ton monte de toutes parts sans que cela aboutisse à la moindre avancée. Un bras-de-fer qui risque de se poursuivre vendredi, date de la prochaine réunion des ministres des Finances de la zone euro : depuis quelques jours, les déclarations en forme de rappel à l’ordre se multiplient. Mais les négociations patinent toujours.

La Grèce doit trouver une solution d’ici fin avril. Le temps presse pour Athènes et ce n’est pas vraiment une surprise : "le gouvernement lui-même a admis qu’il y a de l’argent dans les caisses pour deux semaines, jusqu'à début mai. Après, il y aura des problèmes pour honorer nos obligations intérieures et extérieures", a reconnu le président de l’autorité grecque des marchés financiers, Kostas Botopoulos, mercredi matin sur Europe 1. La Grèce doit notamment rembourser en mai un prêt d’un milliard d’euros au FMI, alors que l’incertitude planait déjà lors de sa précédente échéance, qui n’était pourtant "que" de 350 millions d’euros.

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© EMMANUEL DUNAND/AFP

Mais le dialogue de sourds continue. Bien qu'au pied du mur, les négociations entre la Grèce et le reste de la zone euro patinent, tant les points de vue sont éloignés : les Européens demandent aux Grecs de tenir leurs promesses, synonymes d'un cran supplémentaire dans l'austérité, alors même que le gouvernement Tsipras a été élu sur la promesse de mettre fin à la rigueur.

Ce dernier a bien obtenu de l'Eurozone qu'il puisse modifier le contenu des réformes prévues par le plan d'aide européen, mais à condition que l'équilibre budgétaire général soit préservé. Mais depuis plus d'un mois et demi, les différentes feuilles de route présentées par Athènes n'ont pas convaincu le reste de l'Europe. Résultat, l’Europe bloque le versement de la dernière tranche du plan d’aide européen, soit 7,2 milliards d’euros, en espérant qu’Athènes fasse des concessions. De son côté, la Grèce joue aussi la montre, espérant pouvoir mettre l’Europe devant le fait accompli pour entamer un dialogue politique, et non plus budgétaire.

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© AFP/SAUL LOEB

Les appels à se réformer se multiplient. Estimant que l'Europe lui en demande trop et trop vite, la Grèce a entamé une tournée diplomatique pour faire jouer la concurrence : son ministre de l'Economie s'est récemment rendu à Washington, au siège du FMI et à la Maison Blanche, tandis que son Premier ministre était à Moscou. Mais si la Grèce a été entendue, elle n'a visiblement pas vraiment convaincu. Le président américain Barack Obama lui-même a exhorté vendredi la Grèce à "engager des réformes" : "vous devez montrer à vos créanciers et à ceux qui soutiennent votre système financier que vous essayez de vous aider vous-mêmes", a-t-il lancé, avant d'ajouter : les Grecs "doivent prélever les impôts. Ils doivent réduire leur bureaucratie, flexibiliser leur marché du travail".

Un discours de fermeté également entendu du côté de Bruxelles. "Il faut vraiment, maintenant, et il n'y a pas de temps à perdre, que le gouvernement grec produise les réformes qu'on lui demande", a prévenu Pierre Moscovici, lundi sur iTELE, avant d’ajouter : "il faut maintenant des réformes, on ne peut plus tergiverser."

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© TOBIAS SCHWARZ/AFP

Les banquiers s’inquiètent à leur tour. Les institutions bancaires, d’ordinaire plus réservées, ont également commencé à hausser le ton, signe que le dossier grec s’enlise dangereusement. Ainsi, Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), a estimé jeudi "qu’aucun pays développé n'a jamais demandé de délai" pour rembourser et "c'est clairement une voie qui ne serait pas adaptée ni recommandable".

En Europe, on se veut encore plus explicite, et pour cause : si la zone euro a refusé de débloquer la dernière tranche d’aide à la Grèce, elle a néanmoins accordé de nouvelles lignes de crédit aux banques du pays. Elles aussi au pied du mur et fragilisées par leurs propres clients, qui retirent massivement de l’argent par crainte d’une banqueroute, elles ont reçu 110 milliards d’euros. Mais ce geste de conciliation n’a visiblement pas fait avancer les négociations, si bien que le ton monte aussi dans le monde pourtant feutré de la finance.

"Les autorités grecques doivent faire très rapidement une proposition complète de réformes susceptibles de leur permettre de retrouver un modèle économique viable", a ainsi souligné lundi le gouverneur de la banque de France. "La balle est dans le camp du gouvernement grec. On a perdu beaucoup de temps", a prévenu Christian Noyer. Le président de la Banque centrale européenne (BCE) commence, lui aussi, à perdre patience : la solution à la crise actuelle est "dans les mains du gouvernement grec" mais "il faut beaucoup plus de travail et c'est urgent", a lancé samedi Mario Draghi.

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