Pour éloigner le pic des trois millions de chômeurs qui se rapproche dangereusement, le gouvernement ressort les vieilles recettes. Le ministre du Travail, Michel Sapin, présente mercredi en Conseil des ministres le projet de loi pour la création des "emplois d'avenir". Le texte, soumis aux députés fin septembre, vise la création de 150.000 contrats sur trois ans, dont 100.000 en 2013, destinés aux jeunes peu qualifiés et mis au ban du marché de l'emploi.
Le principe ? L'Etat subventionne à hauteur de 75% du Smic ces contrats, généralement à temps plein et qui devront se concentrer "dans des activités d'avenir ou dont l'utilité sociale est avérée": filière verte, secteur social, aide aux personnes, filières numériques, tourisme. Coût total de la mesure : 1,5 milliard d'euros.
» Pour le détail lire : "Sapin présente les emplois d avenir"
Cela vous rappelle quelque chose? Normal. Il y a 15 ans, le gouvernement Jospin lançait, lui, les "emplois jeunes". Pas moins de 310.000 postes avaient été crées, occupés par 470.000 jeunes entre 1997 et 2002. Si les deux mesures diffèrent sur plusieurs points – le type d'emplois concernés, les travailleurs visés – elles ont un principe commun : donner du travail et de l'expérience aux jeunes pour leur faciliter l'accès à l'emploi en subventionnant des créations de postes.
Un succès pour les ¾ des jeunes
Mais cela fonctionne-t-il vraiment ? Un premier bilan peut être tiré sur les emplois jeunes made in Jospin, qui se sont étalés de 1997 à 2002. Selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares, un organisme statistique dépendant du ministère de l'emploi), le bilan est plutôt positif.
Les trois quarts des jeunes auraient ainsi trouvé du travail, en CDI, juste après leur emploi jeune, d'après une étude, réalisée sous Jacques Chirac en 2006. Collectivité locale, établissement public, association… On les trouve principalement dans le secteur public, puisqu'une grande partie d'entre eux travaille chez leur employeur d'origine.
Mais pas tous. Tiphaine, 37 ans, aujourd'hui directrice de la communication d'une ONG, a ainsi commencé en contrat jeune en tant qu'employée de Relations publiques dans un office du tourisme : "Ce fut une période décisive. Ça a duré huit mois, je n'étais pas très bien payées (1.000 euros par mois) mais je pouvais marquer CDD sur mon CV, et c'est un réel avantage sur mes camarades de classe qui ne pouvaient marquer que stagiaire", témoigne-t-elle sur Europe1.
Un retard salarial dans les carrières ?
Certains spécialistes assurent même que les emplois jeunes ont boosté certains secteurs, comme l'informatique, internet, les services à la personne et l'environnement. Mais ce ne fut pas tout rose pour autant. "Malheureusement, aucune étude d'impact n'a été demandée pour évaluer ce que sont devenus ceux qui en avaient bénéficié, ni comment ils se sont insérés ensuite sur le marché du travail", tacle ainsi la présidente du Medef, Laurence Parisot, dans les colonnes du Monde, remettant ainsi en cause l'étude de la Dares.
D'autres études soulignent aussi que ces jeunes ont subi un retard salarial dans leur carrière. "Les emplois jeunes ont joué un rôle de dépréciation de certains diplômes, en dépréciant aussi les jeunes et sous-entendant qu'ils doivent forcément être payés au smic au départ. C'est la face sombre du bilan de la mesure Jospin", observe l'économiste Philippe Askénazy, interrogé par France Info.
Un succès pas transposable ?
Par ailleurs, le succès des emplois jeunes n'est pas forcément transposable avec celui des emplois d'avenir à la sauce Hollande. Crise oblige, la croissance n'est déjà pas la même. "Le contexte est différent. Aujourd'hui les collectivités et les entreprises ont bien moins de budget et on peut douter que les contrats d'avenir ne se pérennisent en emplois", s'inquiète ainsi sur Europe1 Malik, qui s'occupait d'emplois jeunes en Seine-Saint-Denis dans les années 90, et est maintenant en charge de la mission locale de Sevran.
De plus, le succès des emplois jeunes était lié à un composant dont ne disposent plus les contrats d'avenir. Les premiers étaient ouverts aux diplômés, tandis que les seconds sont destinés aux jeunes "sans qualification ou peu qualifiés" et "prioritairement dans les zones urbaines sensibles". Or, 40% des emplois jeunes ont été décrochés par des titulaires d'un diplôme égal ou supérieur à bac +2. Ce sont plutôt eux qui ont ensuite davantage pu pérenniser leur emploi.