"La situation est critique. Même dans les pires cauchemars, on n’aurait pas pu imaginer il y a un an ce qui se produit actuellement", s'alarme mardi Sergueï Chvetsov, le numéro deux de la Banque centrale russe, cité par l'agence Interfax. Sa préoccupation ? La chute du rouble, par rapport à l'euro. La valeur de la monnaie russe a plongé de 20% mardi, après une chute de 10% lundi. Une dégringolade qui, si rien ne bouge, laisse planer des heures très sombres pour l'économie moscovite.
Les causes de la chute. Le rouble a perdu près de 60% en un an. L'euro dépasse ainsi le seuil inédit de 100 roubles, et le dollar de 80 roubles. Les raisons majeurs sont d'ordre international : le prix du baril de pétrole, dont dépend grandement l'économie en Russie, s'est effondré à 55 euros, contre plus du double l'été dernier. Ajoutez à cela les sanctions économiques internationales contre le conflit en Ukraine, et vous avez une récession de -0,8% attendue pour 2015, après plusieurs années de croissance.
Or, plus une économie va mal, plus sa monnaie chute. Les investisseurs, qui ne veulent plus acheter de produits en rouble, s'en détournent. Et les populations préfèrent faire des économies en dollar ou en euro. Dans le cas du rouble, la panique s'est accentuée ces derniers jours. D'où l'accélération de la dégringolade.
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Que risque la Russie ? Une chute brutale d'une monnaie a un effet double. Pour la population, le risque est que les prix bondissent, surtout les produits importés. Pour l'Etat, le risque est que la dette explose. En effet, moins une monnaie à de valeur, plus il en faut pour rembourser sa dette. En 1998, le rouble avait déjà connu une vive descente aux enfers. Et la Russie avait dû se mettre en cessation de paiement. Des milliers de banques avaient été contraintes de mettre la clé sous la porte. Et l’État avait dû mettre en place une austérité inédite.
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Dans ses prévisions pour l'année 2015, publiées ce week-end, la banque d'investissement Saxo Bank n'excluait pas qu'un tel scénario se reproduise. "La Russie apparaît déjà durablement sous-valorisée, que ce soit pour son énergie, ses mines, ses sociétés ou sa population. En conséquence, un nouveau départ (comme en 1998) est sans doute ce dont a besoin le pays pour son avenir", analysait la banque.
Comment réagissent les autorités ? La situation semble échapper à tout contrôle. La Banque de Russie a annoncé au milieu de la nuit, fait exceptionnel, une hausse de 6,5 points de son taux directeur à 17%, contre 10,5% auparavant et 5,5% au début de l'année. Censée rendre le rouble plus rare, et donc plus cher, la mesure n'a pas eu beaucoup d'effets. "En l'absence de réponse politique et dans un contexte de chute du pétrole, tous les efforts de la banque centrale pour inverser la chute libre semblent infructueux", a commenté Inna Moufteeva, économiste chez Natixis.
Le Premier ministre Dmitri Medvedev a annoncé une réunion des ministres en charge du secteur économique. Le président russe, pour sa part, est toujours muet.