C'est le numéro un français de la distribution, mais ce n'est pas grâce aux Parisiens. Leclerc est quasiment absent de la capitale, n'ayant pour l'instant ouvert qu'un supermarché dans le 19ème arrondissement. Mais dès lundi, cela va changer. Michel-Edouard Leclerc a annoncé le lancement d'un nouveau service, "Leclerc chez moi". D'abord destiné au nord parisien, avant d'y être généralisé à la mi-mai, ce dispositif de livraison à domicile couplé à des prix plus bas que la concurrence doit permettre au groupe de réaliser 170 millions d'euros de chiffre d'affaires dans les trois ans. Et ce, sans implanter un seul magasin physique supplémentaire dans les rues parisiennes.
Un pari qui peut fonctionner pour permettre à Leclerc de s'imposer face à Carrefour et Casino (qui possède Franprix et Monoprix), selon Olivier Dauvers, spécialiste de la grande distribution. À condition que l'enseigne fasse très attention à son niveau de service.
L'arrivée de Leclerc représente-t-elle une vraie menace pour les enseignes déjà implantées à Paris, notamment Carrefour et Casino ?
Olivier Dauvers : Par principe, dès qu'un nouvel acteur arrive sur un marché fermé, ce qui est le cas à Paris, cela génère une forme de concurrence. Et ce de deux manières. D'abord parce que cet acteur arrive alors qu'il n'existait pas, c'est donc quelqu'un de plus à la table. Ensuite parce que dans le cas de Leclerc, il arrive avec un type d'organisation et un niveau de prix sans commune mesure avec ce qu'on connait à Paris. Même si, à court terme, cela ne va pas beaucoup peser sur les 7 milliards que représente le marché total de la grande distribution dans la capitale, cet affichage de prix va perturber les enseignes déjà implantées.
Comment Leclerc peut-il espérer percer face à ces mastodontes ?
Sa proposition commerciale tourne autour de trois sujets : l'offre, la qualité de service et le prix. Sur l'offre, pour le moment, on n'a pas de vision très claire mais il est probable qu'elle sera plus resserrée. Ce ne sera donc pas un levier sur lequel jouer. En revanche, sur le prix, on est à peu près sûrs que ce sera mieux.
Tout se jouera donc au niveau de la qualité de service. Sur le papier, il n'y a pas de raison que ce soit mieux que chez les concurrents puisque Leclerc va faire appel au même prestataire pour ses livraisons. En revanche, on ne peut pas savoir comment le groupe a négocié avec le prestataire, quel pourcentage il lui accorde contre quelles contreparties. Et c'est vraiment là-dessus que Leclerc peut renverser le marché ou tout perdre avant d'avoir combattu. La population qui a recours à la livraison a l'habitude d'un haut niveau de service, elle est prête à payer pour ça. Elle est donc plus regardante, plus exigeante. Le niveau de service rendu, notamment la première impression, sera décisif. Si Leclerc a négocié des prestations de livraison moins chères mais moins bien, cela n'ira pas.
Est-ce que cela peut engendrer un alignement des prix des concurrents ?
De toute façon, Leclerc va mettre une pression sur les prix sur le marché parisien. Il est évident que, pas à court terme mais dans une logique tendancielle, son arrivée va participer à une baisse des prix à Paris. Les concurrents auront du mal à suivre parce que le niveau de prix n'est pas une décision arbitraire, cela dépend aussi des coûts. Et en la matière, Leclerc part avec une sacrée longueur d'avance. Ses coûts sont structurellement moins élevés.