Budget : le gouvernement contraint de jouer les équilibristes

Michel Sapin 1280
© STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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Margaux Baralon , modifié à
SUR LE FIL - Bercy présente mercredi sa trajectoire budgétaire pour les années à venir. Il lui faut racler les fonds de tiroir pour compenser des hausses de dépense.

L'exercice, jamais facile, est scruté avec attention par la Commission européenne. Le gouvernement présente mercredi en Conseil des ministres son "programme de stabilité", qui sert à détailler sa stratégie budgétaire jusqu'en 2019. Discuté sans vote à l'Assemblée le 26 avril, ce projet doit être transmis à Bruxelles avant la fin du mois.

Poursuivre la réduction du déficit. Pour l'exécutif, tout l'enjeu consiste à prouver à la Commission européenne que Paris tiendra bien son engagement de réduction de déficit public. Celui-ci, de 3,5% en 2015, sera abaissé à 3,3% du PIB à la fin de l'année, avant de passer sous la barre des 3% en 2017, ainsi que l'exige l'Union européenne de ses membres depuis la signature du Traité de Maastricht, en 1992. La France a pris beaucoup de retard sur ce point : lorsqu'il était candidat, François Hollande avait promis de ramener le déficit sous le seuil fatidique dès 2013.

Le pari d'une croissance qui se maintient. Pour parvenir à ce résultat, le ministère des Finances compte sur plusieurs choses, notamment une croissance à la hausse. Bercy espère qu'elle atteindra 1,5% en 2016 et 2017. Mais ce sont-là des prévisions plutôt optimistes par rapport à celles de la Commission européenne, qui table sur 1,3% cette année, ou celles du FMI, qui vient d'abaisser ses anticipations à 1,1%. Le Haut Conseil des Finances publiques, un organe indépendant qui évalue la crédibilité des prévisions budgétaires, a d'ailleurs mis l'exécutif en garde : certes, sa prévision de croissance pour 2016 est "encore atteignable" mais elle se situe "dans le haut de la fourchette des prévisions économiques". Et pour les années suivantes, de 2017 à 2019, "l'hypothèse d'accélération de l'activité est fragile".

Les dépenses explosent. La réduction du déficit passe également par la maîtrise des dépenses publiques. En la matière, la partie s'annonce serrée pour Bercy. Car depuis le début de l'année, le gouvernement multiplie les annonces coûteuses : le "plan d'urgence pour l'emploi" annoncé en janvier a été estimé à 2 milliards d'euros, tandis qu'une enveloppe de 290 millions d'euros a été débloquée le mois suivant pour les éleveurs. S'ajoutent à cela le dégel du point d'indice des fonctionnaires (2,4 milliards d'euros en année pleine), les mesures en faveur de la jeunesse (entre 400 et 500 millions) ou encore celles pour améliorer la carrière des gendarmes et des policiers (865 millions).

Serrer la ceinture. Ces dépenses doivent impérativement être compensées si l'exécutif veut tenir son engagement. Sans compter que l'inflation, très faible, privera l'Etat de plusieurs millions d'euros de rentrées fiscales. Et qu'il n'est pas question d'augmenter les impôts à la veille d'une année électorale. Au total, Bercy doit donc réaliser 3,8 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2016 et 5 milliards en 2017. Comment faire ? Via de nouveaux arbitrages de crédit. Certains ministères ont vu les leurs gelés l'an dernier, ce qui a permis à l'Etat de constituer un petit matelas de secours. En outre, la dette coûtera moins que prévu. Car si elle continuera de progresser en 2016 et 2017, cette hausse est plus faible qu'attendu et les taux d'intérêt restent historiquement bas.

Faire rentrer les évadés fiscaux dans le rang. Enfin, Bercy mise sur de nouvelles régularisations d'évadés fiscaux. Poussés par l'affaire des "Panama papers", beaucoup de contribuables récalcitrants souhaitent rentrer dans le rang. A tel point que le ministère des Finances espère faire entrer un peu plus de 2 milliards d'euros dans ses caisses. Reste à savoir si cela sera suffisant pour convaincre Bruxelles et les partenaires européens de la France, qui sont nombreux à considérer Paris comme le mauvais élève de l'Union en matière de comptes publics. 

 

En chiffres

La croissance : Bercy table sur 1,5% en 2016 et en 2017. La Commission européenne et le FMI sont moins optimistes, avec des prévisions respectives à 1,3% et 1,1%

Les dépenses : Depuis le début de l'année, l'exécutif aligne les chèques. Deux milliards d'euros pour l'emploi, 290 millions pour les éleveurs, 2,4 milliards pour les salaires des fonctionnaires, 865 millions pour les forces de l'ordre et entre 400 et 500 millions pour la jeunesse.

Les économies : Le ministère des Finances estime qu'il lui faudra faire 3,8 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2016 et 5 milliards en 2017. Les ministères seront à la diète et Bercy compte sur la régularisation d'évadés fiscaux repentis.