Nouveau coup dur pour Camaïeu : deux ans après sa reprise par la Financière immobilière bordelaise, le géant du prêt-à-porter, en cessation de paiement, a demandé son placement en redressement judiciaire au tribunal de commerce de Lille qui examinera sa demande mercredi après-midi. L'enseigne nordiste - dont quelque 2.600 salariés avaient été repris en août 2020 par la FIB - "a demandé l'ouverture d'une procédure en redressement judiciaire avec plan de continuation", a indiqué la direction de Camaïeu dans un message à l'AFP.
"La demande de Camaïeu est motivée par une accélération des difficultés de l'entreprise et plus particulièrement par les conséquences" d'un arrêt de la Cour de Cassation, daté du 30 juin, "refusant aux commerçants la baisse des loyers de la période Covid", a expliqué la direction. "L'objectif majeur est de préserver la pérennité de l'entreprise", a-t-elle assuré.
Le président du tribunal de commerce de Lille a précisé à l'AFP avoir reçu lundi une déclaration de "cessation de paiement" de la société gestionnaire, Aciam, qui appartient à HPB (Hermione, People & Brands), la division distribution de la FIB de l'homme d'affaires bordelais Michel Ohayon. selon une source proche du dossier, cette demande est faite "au vu de la difficulté des temps en matière de retail", et des problèmes liés à la reprise de l'enseigne, notamment des "difficultés de paiement auprès des bailleurs".
Loyers impayés
Selon Thierry Siwik, délégué CGT de Camaïeu, la direction "a envoyé en juin 2021 un courrier à des dizaines de bailleurs, concernant, selon nos estimations, entre 250 et 300 baux", pour annoncer "une suspension du paiement des loyers en raison d'un 'cas de force majeure'". "La direction a raconté au CSE, qu'elle essayait de renégocier les loyers" mais "plusieurs procédures ont été entamées par les bailleurs. Aujourd'hui, au vu de plusieurs décisions de la Cour de cassation concernant d'autres entreprises dans la même situation, la direction va devoir payer", a-t-il poursuivi.
Dans trois arrêts, la plus haute juridiction a de fait obligé les commerçants à s'acquitter de leurs loyers non payés pendant la période où les commerces non essentiels étaient fermés du fait de l'épidémie de Covid-19, jugeant que la situation n'était pas imputable aux bailleurs et n'avait pas privé définitivement les commerçants d'utiliser leurs locaux.
"Casse sociale"
M. Siwik a estimé à "plusieurs millions d'euros par mois" les loyers non versés. "Cet argent, ils ne l'ont pas mis de côté. La dette est considérable", et si le redressement judiciaire permet de la "geler" provisoirement, à long terme "il va forcément y avoir de la casse sociale", s'est-il inquiété. En août 2020, la FIB avait repris 511 des 634 magasins en France et environ 2.600 salariés sur plus de 3.100, dans le cadre d'une restructuration sous l'égide du tribunal de commerce de Lille. Elle avait lancé un grand plan de transformation et un "travail de fond sur la marque et l'offre".
La nouvelle direction s'était donné deux ans pour remettre l'entreprise à l'équilibre, avec l'objectif de retrouver en 2023 le chiffre d'affaires de 2019 - 570 millions d'euros. "La reprise s'est déroulée dans un contexte effroyable", avait pointé à l'AFP il y a un an le nouveau PDG Wilhelm Hubner, regrettant qu'entre couvre-feu, confinement et une cyber-attaque en juin 2021, l'entreprise n'ait pas connu "un seul mois normal".
Crise sanitaire, baisse généralisée du trafic en magasins, montée de l'inflation : selon la Fédération du commerce spécialisé Procos, l'ensemble de la distribution textile est à la peine, avec des ventes pour la période janvier à mi-juin inférieures de 13% au niveau de 2019.