La réaction n’a pas tardé. Quelques minutes à peine après l'annonce d'un accord entre Lactalis et les producteurs laitiers, le Premier ministre s’est félicité sur Twitter d’une "sortie de crise positive pour le secteur laitier". En effet, les producteurs laitiers ont mis fin à leurs actions et au blocus de l’usine Lactalis de Laval au terme d'une semaine de bras-de-fer. La situation reste néanmoins précaire : Europe 1 vous explique pourquoi il s'agit plus d'une accalmie que d'une sortie de crise.
Parce qu’une bonne partie de la profession a refusé l’accord. Si la FNSEA, premier syndicat agricole, a accepté la dernière offre de Lactalis et appelé les agriculteurs à retourner dans leurs exploitations, ce n’est pas le cas des autres principales organisations syndicales. La Confédération Paysanne (CP) et la Coordination Rurale (CR), n’ont pas participé aux négociations et ont dénoncé l’accord trouvé mardi. Or ces deux organisations pèsent tout de même près de 40% des voix aux élections aux chambres d'agriculture.
La Coordination rurale a d’ailleurs eu des mots très durs envers la FNSEA. "Quel syndicaliste digne de ce nom peut honnêtement se féliciter d’être parvenu à un accord couvrant à peine les charges pour 50 % des producteurs ?! Présenter un petit pas comme une avancée décisive et presque historique est une tromperie indigne qui berne tout le monde mais pas les producteurs", a réagi mardi l’organisation. Cette dernière réclame toujours un tarif minimum de 350 euros les 1.000 litres de lait, "hors rémunération du travail". A la moindre rechute des prix, ces deux syndicats ne tarderont pas à se faire entendre.
Certains secteurs ont d'ailleurs déjà haussé le ton. Les éleveurs FNSEA et Jeunes Agriculteurs du Cantal, qui fournissent leur lait à Lactalis pour la fabrication des fromages d'Auvergne AOP, ne sont pas satisfaits du prix trouvé mardi et se disent prêts à l'action dans la semaine. "Certes il y a eu un accord au plan national mais pour nous, le compte n'y est pas: il manque entre 25 et 30 euros les 1.000 litres" par rapport aux tarifs proposés par la concurrence, a justifié mercredi Nicolas Cussac, responsable lait de la FDSEA du Cantal.
Parce que la surproduction persiste. Un regain de tension est d’autant plus probable que les ingrédients de la crise actuelle sont toujours réunis. Le marché laitier est toujours en surproduction et rien ne dit que ce déséquilibre sera rapidement résorbé. En effet, l’Europe produit chaque année un peu plus de lait et la fin des quotas a accéléré le phénomène : anticipant la libéralisation du secteur, les éleveurs français mais surtout allemands, irlandais ou encore hollandais ont agrandi leur cheptel. Le constat est identique en Nouvelle-Zélande, premier producteur mondial : après s’être tassée en 2015, la production est repartie en légère hausse en 2016.
Et parce que la demande redémarre trop lentement. L’offre est donc croissante mais la demande n’est pas repartie aussi vite. Marché stratégique pour les producteurs laitiers, la Russie a prolongé son embargo sur la production européenne jusqu’à la fin 2017. A l’intérieur de l’Hexagone, la situation n’est pas plus rassurante : selon FranceAgrimer, la consommation de lait de vache ne cesse de baisser et a une nouvelle fois reculé de 2,1% entre 2014 et 2015. La dynamique est similaire en ce qui concerne les autres produits fabriqués à base de lait de vache, alors que les laits de brebis ou de chèvre rencontrent un succès grandissant.
Une embellie à court terme est donc peu probable même si certains indicateurs font espérer des jours meilleurs : la Chine, premier acheteur mondial de produits laitiers, a vu ses importations repartir à la hausse après s’être effondrées en 2015 et la demande est également croissante aux Etats-Unis. Cette reprise des exportations est le principal espoir des producteurs, en attendant que le plan européen pour limiter la production produise ses effets.
Retrouvez les principaux chiffres de cette crise en infographie :