Coupures pour impayés : les géants de l’eau dans l’illégalité

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CONSO - La loi de 2013 interdit aux gestionnaires des réseaux publics d'eau de couper le robinet en cas d’impayé. Une pratique qui se poursuit pourtant.

En théorie, les coupures d'eau pour impayé sont interdites. Dans la pratique, elles continuent : le tribunal de grande instance d'Amiens, en Picardie, a récemment condamné l’entreprise Saur à près de 16.000 euros d'amende. La société avait coupé l'eau d'un de ses abonnés entre avril 2013 et septembre 2014, pour un impayé de 278,31 euros, alors que c’est totalement illégal. Mais en matière d’eau, le respect de la loi est encore très aléatoire, comme le dénonce l’association France Libertés.

Des coupures interdites par la loi. Depuis la loi du 15 avril 2013, il est interdit à un distributeur de couper l'alimentation en eau dans une résidence principale, même en cas d'impayé. Le texte n’a pas tardé à être attaqué par les grandes entreprises gestionnaires de l’eau, qui ont saisi le Conseil constitutionnel : à leurs yeux, interdire les coupures d’eau constitue une atteinte à la liberté concurrentielle et à la liberté d'entreprendre. Et ces dernières d’argumenter qu’il est difficile d’obliger les clients à payer si ces derniers n’ont aucune coupure d’eau à redouter. Mais la justice a estimé fin mai que l’eau était aussi indispensable qu’un logement pendant la trêve hivernale et ne pouvait donc pas être considérée comme une marchandise lambda. Malgré cela les entorses à la loi continuent.

"C’est terrible, vous ne pouvez plus vous laver". Hélène peut en témoigner. Cette habitante d’une petite ville du Vaucluse vit seule avec son fils et seulement 600 euros par mois. Une situation qui s’est un peu plus compliquée lorsqu’elle son domicile a été privé d’eau en octobre pour cause d’impayés.

"Quand vous n’avez pas d’argent pour payer votre facture, qu’on ne peut pas payer la facture en plusieurs fois, vous êtes obligé de demander des aides, il faut faire un dossier. Mais pendant ce temps, on vous applique des pénalités de retard et si vous ne les payez pas à nouveau, on vous coupe l’eau", témoigne-t-elle. Et Hélène d’ajouter : "c’est terrible, vous ne pouvez plus vous laver, ne plus tirer la chasse des toilettes. En plus, il n’y a plus de fontaine donc si vous n’avez pas d’argent pour aller acheter de l’eau… vous pourrissez sur place".

Une loi ignorée et des abus persistants. La décision du Conseil constitutionnel n’a donc pas changé grand-chose : les coupures d’eau se poursuivent. Au cours des seuls six derniers mois, l’association France Libertés a reçu 200 témoignages de personnes. Et ce n’est que lorsque l’association monte au créneau que l’eau est rétablie, comme ce fut le cas pour Hélène.

Pour l’association, les poids lourds de la gestion de l’eau ignorent sciemment la loi : "alors que la loi a été clarifiée par le Conseil constitutionnel et que les tribunaux continuent de rendre des décisions en faveur des citoyens, Veolia et la Saur continuent leurs pratiques illégales". Mais c’est en fait tout le secteur qui est concerné : la Lyonnaise des Eaux, Veolia Eau  ou encore la régie publique Noreade ont tour à tour été condamnées au cours des douze dernier moins. France Libertés demande donc au gouvernement "d'interpeller officiellement Veolia et la Saur" sur ce sujet et aux élus qui ont confié la gestion de l'eau à ces entreprises de les "sommer (...) de respecter la loi".

En face, les gestionnaires des réseaux publics d'eau préfèrent rester discrets. On reconnaît quelques erreurs, Véolia évoquant deux à trois cas cas de ce genre signalés chaque semaine, mais on assure que l’eau est rétablie immédiatement. Sauf que dans la plupart des cas, ce n’est qu’après l’intervention d’une association que le service est rétabli. Un soupçon que balaient les entreprises, avant de rappeler qu’elles ont des millions de clients à gérer et que parfois l’information met du temps à passer.