Crise des carburants : ce qui est légal et ce qui ne l’est pas

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Des employés de la raffinerie Total de Feyzin. © JEFF PACHOUD / AFP
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ZOOM - Grève, blocage, barrage : qu’ont le droit de faire les grévistes ? Et le gouvernement ?

En s’étendant mardi matin à toutes les raffineries françaises, le mouvement social mené par les syndicats CGT et FO a franchi un nouveau palier. Depuis, chaque camp campe sur ses positions : "nous continuerons à évacuer les sites bloqués par cette organisation", a martelé le Premier ministre Manuel Valls, mardi matin sur Europe 1. "Je préviens le gouvernement : ‘attention à ne pas s'opposer au droit de grève’ (…) c'est illégal de débloquer les raffineries", a répliqué dans la foulée le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez. Qui dit vrai dans cette affaire ? Zoom sur les subtilités du droit de grève.

Les blocages de sites ne sont pas légaux. Il n’est jamais inutile de le rappeler en préambule : faire grève est un droit constitutionnel que ni l’employeur ni l’Etat ne peuvent remettre en cause. Tant que les grévistes respectent la loi (cf encadré ci-dessous), rien ne peut être tenté contre eux. Mais les grévistes ont-ils pour autant le droit de bloquer l'accès à leur entreprise ? 

"C'est illégal de débloquer les raffineries", a déclaré mardi le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez. Ce qui n’est pas exact : si les travailleurs ont légitimement le droit de faire grève, la loi précise que "les grévistes doivent respecter le travail des non-grévistes". "Le blocage de l'accès à un site, l'occupation des locaux afin d'empêcher le travail des non-grévistes sont des actes abusifs", précise le site Service-public.fr. Bloquer l’accès aux raffineries est donc illégal, ce qui permet au Premier ministre de déclarer que "la CGT trouvera une réponse extrêmement ferme de la part du gouvernement. Nous continuerons à évacuer les sites bloqués". Le déblocage par les CRS de la raffinerie de Fos-sur-mer mardi matin est donc légal. 

Le statut des barrages filtrants est en revanche plus complexe : ces derniers ralentissent les non-grévistes mais  ne les empêchent pas de travailler. Ils sont donc juridiquement difficiles à contester.

Réquisitionner des grévistes est illégal mais... Pour continuer à faire tourner les raffineries et assurer un approvisionnement minimal, les entreprises et le gouvernement pourraient être tentés de réquisitionner des employés. Mais cette piste est des plus compliquées dans le secteur privé : seul l’Etat peut réquisitionner des travailleurs, et non l’employeur. Et il ne peut le faire que si "l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique l'exige".

Une pénurie de carburants représente-t-elle une menace pour le "bon ordre" ? La loi ne le précise pas, un flou dont a profité le gouvernement Fillon en 2010 pour réquisitionner des employés des raffineries. Mal lui en a pris, comme l’a rappelé Philippe Martinez mardi : "M. Sarkozy a essayé en 2010. Il a été condamné par l'OIT pour non-respect du droit de grève". Un épisode qu’a également rappelé Bernard Thibault mardi matin sur Europe 1. "Après les réquisitions de personnels en grève dans les raffineries en 2010 décidées par M. Nicolas Sarkozy, l’OIT a dit à la France 'Vous êtes en infraction avec la convention de 1987'. (…) J’espère que le gouvernement saura que ça ne fait pas partie des dispositions auxquelles il peut recourir", a déclaré l’ancien secrétaire général de la CGT, devenu depuis membre du conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail (OIT).

De telles réquisitions ne sont pour l’instant pas envisagées par le gouvernement, mais les dernières déclarations du Premier ministre montrent que l’angle d’attaque juridique est déjà prêt, au cas où : exit les réquisitions au nom du "bon ordre", argument retoqué par la justice en 2010, il est désormais question de "problèmes de sécurité". "Prendre ainsi en otage les consommateurs, notre économie, notre industrie, continuer des actions qui visent à faire retirer le texte, ça n'est pas démocratique. Parfois, c'est légal, quand il s'agit de manifester, parfois cela pose de vrais problèmes de sécurité et donc de légalité", a argumenté Manuel Valls. 

 

Quelles sont les règles en matière de grève ?

Pour qu'une grève soit considérée comme légitime et légale, elle doit remplir les trois conditions suivantes : 
- un arrêt total du travail, ce qui exclut donc les grèves perlées ou militées aux seules heures d'astreinte par exemple
- une concertation des salariés afin de montrer une volonté collective
- des revendications professionnelles, ce qui exclut donc les grèves pour motif politique

En outre, les grévistes ne peuvent pas empêcher les non-grévistes de travailler, ni déteriorer l'outil de travail. Si un mouvement de grève ne respecte pas ces conditions, il n'est alors plus protégé par le droit de grève.