"Le groupe, bien entendu, est prêt à rouvrir les discussions". Invité sur Europe 1 mardi matin, Michel Nalet, porte-parole du groupe français Lactalis, a affirmé qu’il était prêt à entamer des négociations avec les producteurs laitiers. Et pour cause : plusieurs centaines d’entre eux bloquent depuis lundi soir l’accès à l’une des usines du groupe à Laval afin de dénoncer les tarifs auxquels Lactalis leur achète leur lait. Et ils comptent tenir leurs positions jusqu’à ce qu’ils obtiennent un "juste prix" de la part du numéro un mondial des produits laitiers. Retour sur un bras-de-fer entamé il y a déjà des mois.
Les agriculteurs confrontés à une baisse des tarifs. Les difficultés des producteurs laitiers ne sont pas nouvelles. En 2009 comme en 2013, ils déversaient déjà de millions de litres de lait dans la nature afin de se faire entendre. La raison de leur colère ? La fin programmée des quotas agricoles au niveau européen, qui risquait de se traduire par un bond de la production laitière, voire une surproduction, et donc entraîner une chute des prix. Or c’est précisément ce qui est arrivé : depuis la fin des quotas en avril 2015, les prix en gros ont dévissé, d’autant plus que la demande venue de Chine et de Russie s’est dans le même temps tarit.
Ainsi, alors que les agriculteurs vendaient depuis 2010 leur production entre 300 et 350 euros les 1.000 litres, ce tarif est passé sous les 280 euros les 1.000 litres en juin pour ne plus refranchir ce palier. A ce tarif, les producteurs laitiers affirment ne pas pouvoir rentrer dans leurs frais et une nombre croissant d’exploitations ferment. Les agriculteurs réclament un prix minimum de 300-310 euros pour ne perdre de l’argent, et espèrent atteindre la barre 350 euros pour vivre correctement de leur métier.
Dans ce contexte, le prix d’achat pratiqué en août par Lactalis (256 euros) a fait sortir les producteurs laitiers de leurs gonds. Un prix jugé d’autant plus scandaleux par les agriculteurs que Lactalis est le numéro un mondial des produits laitiers et qu’en achetant 20% de la production française, il risque de tirer tous les prix vers le bas. Les producteurs laitiers ont donc décidé de lui déclarer la guerre et de bloquer l’une de ses usines.
Lactalis invoque la concurrence internationale. Pointé du doigt, le très discret groupe Lactalis a été contraint de sortir de son silence. La chute des tarifs qu’il pratique ? "Le marché s'est globalement effondré du fait d'une surproduction française, européenne. Aujourd'hui, si les prix sont bas, c'est parce qu'il y a eu cette surproduction et donc une dégradation globale des prix", a déclaré le porte-parole du groupe Lactalis sur Europe 1. Et ce dernier d’ajouter que les tarifs chez nos voisins étaient encore plus bas, rendant le lait français encore moins compétitif.
Bref, le groupe laitier estime ne pas être responsable de la situation mais il accepte d’entamer un dialogue avec les producteurs laitiers : "le groupe, bien entendu, est prêt à rouvrir les discussions", a assuré son porte-parole, sans que l’on sache quelle solution Lactalis propose.
Les agriculteurs ont, eux, une petite idée : obliger Lactalis à mieux partager la valeur ajoutée avec les agriculteurs. Ces derniers réclament donc l’intervention du médiateur des relations commerciales, ce que le gouvernement a accepté. Mais sa mission sera pour le moins difficile, quand on sait que Lactalis préfère payer chaque année une amende plutôt que de publier ses résultats comptables et donc de dévoiler sa rentabilité.
Que fait le gouvernement ? Le gouvernement a actionné plusieurs leviers pour tenter de faire redescendre la pression. Pour gérer l’urgence, il a proposé en début d’année une année blanche aux agriculteurs les plus en difficultés : ces derniers peuvent alors reporter d’un an le versement de leurs cotisations sociales. De même, le gouvernement a fait baisser le taux de cotisation sociale de sept points, passé de 45% à 38%. Il a en outre débloqué des fonds pour aider les agriculteurs à stocker leur production en attendant que les prix remontent.
A plus long terme, le gouvernement tente de restaurer au niveau européen des mesures "de maîtrise de la production" : en clair, rétablir des quotas de production, ce qui suppose de trouver un accord avec les autres Etats européens. Enfin, la France a obtenu de l’UE le droit d’expérimenter un autre dispositif, cette fois-ci censé agir sur le consommateur : de 2017 à 2019, tout produit laitier devra obligatoirement indiquer l’origine du lait utilisé, dans l’espoir que le client français privilégie les produits hexagonaux.
En attendant que ces mesures portent leurs effets ou entrent en application, le gouvernement joue surtout un rôle de médiateur. "J'appelle les parties, Lactalis et les producteurs, à ouvrir le dialogue, et le gouvernement est prêt à être en médiation et à aider à débloquer cette situation", a ainsi déclaré lundi le porte-parole du gouvernement.
Lactalis, géant du lait
Premier groupe laitier au monde, le groupe français Lactalis est déjà connu du grand public grâce à ses bouteilles de lait de la marque Lactel. Pourtant, bien d’autres de ses produits se retrouvent dans les cuisines françaises.
Il y a d’abord toutes les marques qu’il détient en propre, et elles sont nombreuses : Président, Galbani, Le Petit, Salakis, Chaussée aux moines, Lanquetot, Rouy, Rondelet, mais aussi Bridel, Parmalat ou encore Primevère. S’y ajoutent également toutes une série de produits fabriqués en partenariat avec Nestlé : La Laitière, Flanby, Sveltesse, etc. Sans oublier une multitude de marques de distributeurs, que Lactalis produit notamment pour les groupes Casino, Carrefour, Auchan ou encore Système U.