Le groupe aux 200.000 salariés dont un quart en France, a annoncé jeudi avoir réalisé une perte nette de 2,23 milliards d'euros au premier semestre 2023, du fait notamment de dépréciations, contre 259 millions d'euros un an plus tôt.
Il a aussi averti que "la situation présente à date une incertitude" quant à sa capacité "à poursuivre son exploitation". Et ce, "compte tenu des étapes juridiques restant à franchir pour mettre en œuvre la restructuration financière" sur laquelle le groupe planche depuis des mois dans le cadre d'une procédure amiable de conciliation sur sa dette.
Cette dernière s'élevait à 6,1 milliards d'euros au 30 juin, dont 5,5 milliards en France. Un an plus tôt à la même période, la dette du groupe était de 5,97 milliards.
Une action suspendue en bourse
Casino avait donné le 18 juillet son feu vert à l'offre de recapitalisation et de restructuration de sa dette présentée par les milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, adossés au fonds d'investissement britannique Attestor.
Il s'était fixé la date de jeudi pour trouver un accord de principe avec ses créanciers, qui doivent se prononcer sur l'offre présentée et donner leur aval. Lors d'un point presse téléphonique jeudi matin, le directeur financier de Casino David Lubek a réaffirmé cet objectif, se disant "confiant" dans la mesure où "il y a un intérêt commun" à le faire.
L'offre des candidats à la reprise prévoit notamment l'apport de 1,2 milliard d'euros d'argent frais ainsi qu'une forte restructuration de la dette - toutefois un peu moindre qu'attendu au départ. Ils comptent céder les activités du groupe en Amérique latine - notamment au Brésil - pour lesquelles travaillent les trois quarts des salariés du groupe.
En Bourse, l'action était suspendue, à la demande de Casino, "dans l'attente de la publication d'un communiqué de presse". Le cours a fondu de plus de 68% depuis le début de l'année et s'élevait à 3,11 euros à la clôture mercredi soir.
Nécessité d'aller vite
Si un accord de principe est bel et bien entériné, Casino prévoit ensuite de soumettre le plan à l'approbation de ses actionnaires actuels - dont le poids sera considérablement réduit, à commencer par l'actuel PDG Jean-Charles Naouri - "au plus tard" le 30 septembre, pour une restructuration de sa dette attendue d'ici la fin de l'année. Pour Daniel Kretinsky, le plus tôt sera le mieux, car l'activité commerciale du groupe est en grande souffrance.
Les ventes du groupe ont baissé sur le premier semestre 2023, de 11,45 milliards d'euros en 2022 (chiffre retraité après la cession de l'enseigne brésilienne Assai) à 10,96 milliards d'euros (-4,2%), dans un contexte de forte inflation alimentaire qui gonfle les chiffres d'affaires des supermarchés.
Casino met notamment ce recul du chiffre d'affaires sur le compte de baisses de prix de l'ordre de 10% dans ses supermarchés et hypermarchés français, décidées après une année 2022 où le groupe avait gardé un positionnement de prix plus élevé que la concurrence.
Sa perte nette est le fait "principalement" de "pertes opérationnelles de Casino France" d'une part et, d'autre part, des dépréciations "des impôts différés actifs en France" et du "goodwill et des marques".
Les syndicats sur le qui-vive
La situation du distributeur est lourde d'incertitudes pour ses salariés. Daniel Kretinsky s'est engagé à "préserver le périmètre maximal possible" d'hypermarchés et supermarchés. Selon le premier syndicat du groupe, Force ouvrière, les repreneurs prévoient de "passer un grand nombre de magasins en franchise", modèle dans lequel la majorité des coûts relèvent du gérant.
La situation de Casino "augure de nouvelles transformations dont les salariés pourraient être une nouvelle fois la variable d'ajustement", a aussi alerté la CFDT Services, pour qui le passage de magasins en franchise serait autant de "restructurations qui ne disent pas leur nom". Elle espère "une réelle implication des pouvoirs publics".
Devant l'Assemblée nationale, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait déclaré le 11 juillet que l'Etat serait vigilant sur "l'avenir des 50.000 salariés du groupe" en France et sur le maintien du siège historique du groupe à Saint-Etienne. Les salariés "n'ont pas à payer pour les erreurs qui ont pu être commises par la direction", avait-il dit.
Les candidats à la reprise de Casino ont indiqué vouloir maintenir le siège à Saint-Etienne et en faire "le centre d'innovation" du groupe.