Le chômage n’est pas qu’un problème économique, c’est "désormais un problème majeur de santé publique". Dans un projet d’avis publié mardi, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s’est penché sur un sujet encore peu connu : l’impact du chômage sur la santé. Et visiblement, ce dernier n’est pas anodin puisque ce rapport estime qu’il est responsable de 10.000 à 14.000 décès par an en France. Bien que le Cese juge nécessaire de réaliser de nouvelles études, les premiers chiffres qu’il avance sont déjà éloquents.
Être au chômage nuit à la santé. Ainsi, un homme au chômage a 2,3 fois plus de probabilité de se déclarer en mauvaise santé qu’un actif ayant un emploi. Pour une femme sans emploi, le risque est 1,7 fois supérieur à la moyenne. Un chômeur ou une chômeuse ont également 1,4 fois plus de probabilité d’avoir une alimentation déséquilibrée, et donc un plus grand risque d’être obèse : 1,34 fois plus pour les hommes et 1,57 fois plus pour les femmes
Avec, à la fin, des pathologies plus fréquentes et plus lourdes. "Si l’impact diffère selon l’âge, le contexte et les déterminants sociaux de la personne, il existe un lien direct et de court terme entre chômage et les risques de maladies cardio-vasculaires et de cancer. Ainsi, pour les personnes en situation de chômage, le risque d'accident vasculaire cérébral et d'infarctus est augmenté de 80 % au regard des actifs, pour les hommes comme pour les femmes", précise le document. Un constat corroboré par des études menées dans d’autres pays et "qui font état d'un risque de surmortalité multiplié par trois, soit un effet comparable à celui du tabagisme".
Le chômage dope la consommation d’alcool et de tabac. S’il est difficile de prouver qu’être au chômage augmente la consommation d’alcool et de tabac, il est en revanche avéré que les demandeurs d’emploi fument et boivent plus que la moyenne. "Un chômeur est 2,11 fois plus souvent fumeur que le reste de la popultion (1,57 fois s’il s’agit d’une femme). Il est plus souvent dépendant à l’alcool, 2,22 fois plus si c’est un homme et 1,5 fois si c’est une femme", précise le Cese. Ainsi, alors que 33,4% des actifs occupés se déclaraient fumeur quotidien en 2010, cette proportion passe à 51% chez les demandeurs d’emploi. Et ce risque ne se limite pas aux seuls alcool et tabac puisque le chômage augmente aussi la "consommation de produits addictifs" et "l’entrée dans une consommation chronique".
Des risques psychologiques en hausse. En moins bonne santé et plus exposé aux conduites à risques, le demandeur d’emploi cumule en plus les risques psychologiques. "En matière de santé psychique, une étude récente de la Dares met en évidence le lien entre le chômage et l'apparition, ou la révélation, de troubles dépressifs. Cet état dépressif est ainsi multiplié par 2,95 pour un homme et par 1,90 pour une femme", souligne le rapport.
"Provoquant stress et insécurité, le chômage peut également révéler des fragilités latentes qui ne se seraient sans doute pas manifestées en son absence. Le nombre de personnes qui ont été au chômage et connaissent des épisodes dépressifs est extrêmement élevé : 24 % des hommes signalent au moins un symptôme d’état dépressif ou d’anxiété, contre 13% pour les personnes qui n'ont pas connues de chômage durant les quatre dernières années précédentes", précisent les auteurs du document. Qui se demandent en outre si l’augmentation du chômage n’a pas un impact sur le nombre de suicides.
Un impact aussi sur la famille du chômeur. Au-delà du demandeur d’emploi lui-même, c’est toute sa famille qui est concernée. De la même manière qu’un homme au chômage renonce trois fois plus souvent que la moyenne à se faire soigner, l’enfant d’un chômeur va 2,57 fois moins souvent chez le médecin qu’un enfant lambda. Mais l’impact du chômage se fait ressentir encore plus en amont puisque "une période de chômage (au moins 10 mois sur les 7 années ayant suivi la fin des études) influe sur le calendrier des naissances. L'incertitude économique est un facteur essentiel de report de l'âge de la première naissance".
Avoir un parent au chômage a aussi des conséquences sur le parcours scolaire. "Une étude publiée en 2004 montre que les enfants dont les parents ont connu la précarité professionnelle ont de moins bons résultats scolaires", souligne le CESE, avant d’avancer un chiffre : "le chômage des parents diminue de 12 points la probabilité d’obtention du baccalauréat". Et le rapport d’ajouter que le chômage a probablement d’autres conséquences sur la famille, notamment une plus grande probabilité de divorce, bien que cet aspect nécessite d’être davantage étudié.